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chroniques d'avalon
Inquiétudes, d’un seigneur à un autre, lettre envoyée à Sa Majesté, par Messire Godfroy Chantevoix de la Roncière, Premier Duc de l’Est,

« Très chère et révérée Majesté,

Je vous transmets aujourd’hui, au travers de ce modeste courrier, mes plus sincères inquiétudes quant à la direction que prend notre royaume, et ce plus particulièrement vis-à -vis des protecteurs de ses traditions et de son histoire.

Assurément, vous n’êtes pas sans savoir que depuis que les Abysses ont fait pleuvoir l’enfer sur nos autrefois verts pâturages, la Noble Cité de Havrecœur s’illustre en unique berceau de cette humanité morcelée que nous incarnons hélas. Ô ! Que de tristesse et de larmes versées pour ces vies fauchées si abruptement, et ce dans l’indifférence croissante de nos pauvres gens.

Situation de crise oblige, vous avez dans la hâte - et avec grande maestria, faut-il seulement le verbaliser, naviguer au travers des doléances de chacun, et avez su amener - grâce à votre talent, votre charisme et votre éloquence, cette humanité en perdition vers un nouveau Paradis.

Hélas, dans cette transition historique, nous avons perdu ce qui faisait le sel de notre civilisation et, si j’ose dire - et j’ose ! Notre monde tout entier.

Faisant une fois encore montre de l’abnégation et de l’humanisme dont on sait la noblesse pourvue ; nous autres, propriétaires terriens et héritiers des dynasties légendaires d’antan, nous retrouvons lésés. Sans seigneurie à gouverner - en votre nom et pour votre gloire, et sans rôle particulier à occuper, qu’est-il advenu des grands pontes de naguère, des familles qui ont permis - avec votre assentiment, l’élaboration de ces prouesses ?

Je vous implore donc, ô magnanime souveraine, de redonner à vos alliés les plus dévoués et les plus efficaces la place qu’ils désespèrent de retrouver; celle à vos côtés. Nous savons qu’il y a un siècle, avant que la mort ne nous frappe, le territoire était réparti équitablement, et pléthores de comtes, marquis, barons et ducs se démenaient pour mener à bien la tâche que vous leur eûtes confié.

La noblesse comme nous l’entendons n’existe plus, seuls les plus fortunés et ceux dont on honore l’origine peuvent encore aspirer à un semblant de privilèges et d’élévations.

Pour sûr, vous êtes d’ores et déjà venue au secours de vos partisans et, faute de territoires à confier, vous avez offert à qui de droit un titre honorifique, ainsi qu’un droit à conserver sa richesse et porter voix au chapitre dans quelques décisions politiques, mais quid de l’avenir ? Tous les nobles ne peuvent devenir vos conseillers.

Ainsi, ô Reine vénérée. Nous connaissons la situation de la noblesse d’antan, et son statut d’aujourd’hui, j’aimerais toutefois vous parler de demain. Lorsque les honneurs ne suffiront plus, lorsque leur fortune pourrait vous être refusée, lorsque leur soutien, pourrait ne plus vous être pleinement acquis.

Lorsque vous obtiendrez de nouveaux territoires et qu’il vous faudra une fois encore attribuer des responsabilités à autrui, je ne puis que vous enjoindre à songer aux vieilles lignées, lesquelles ont laissé leurs héritages sombrer avec le reste du monde et ont ainsi, plus que quiconque, le droit de se reconstruire.

Laissez à la noblesse une chance de fleurir une fois encore. Nous ne vous décevrons pas. »

L’humanité, singulière et plurielle, décret publié par [auteur inconnu],

« L’humanité est unie, à l’ombre des catastrophes d’il y a un siècle, plus personne n’oserait le nier. Comme la brique ne devient mur qu’une fois complétée et soutenue par ses semblables, l’homme ne fait de sens qu’en communauté. Les esprits les plus corrosifs aiment à dire que la proximité tend à faire pourrir les hommes, comme une pomme contaminée qui en affecterait une autre. Je crois en l’exact opposé, que c’est dans l’unité et la tolérance que nos imperfections s'éclipsent.

Hélas, il est de mon devoir en tant que rhéteur d’accepter le sacrifice que nombre de mes semblables rechignent à accomplir.

Aussi, si vous ne me verrez pas retirer à notre communauté ce qui fait sa beauté aujourd’hui, je me dois de contredire ce qu’on enseigne à nos jeunes gens quant à ce qu’elle était hier. Non, il n’en a pas toujours été ainsi.

Cela n’a échappé à personne, mais notre société regorge de différences ethniques, culturelles et traditionnelles laissant présager que, s’il n’existait peut-être pas d’autres races complètement différentes, un homme du Nord ne ressemblait que trop peu à son homologue du Sud.

Ceci veut dire plusieurs choses : premièrement, le Continent rasé par les Abysses devait nécessairement être bien plus large que ce que nos érudits estiment. Deuxièmement, que des civilisations entières ont dû être ravagées, sans personne pour reprendre leur flambeau. Troisièmement, que notre bien aimé royaume n’était assurément pas la seule force politique majeure en place, contrairement à l’idée qui circule supputant que le territoire couvert par notre royaume était initialement suffisamment large pour excuser de telles disparités dans sa population.

Non, je crois que si les détails de l’histoire de notre passé sont bien cachés, certaines traces demeurent trop visibles pour qu’un esprit affuté les néglige. Et c’est dans ce sens que j’invite d’ailleurs tout le monde à un effort de recherches. Il n’est pas de plus belle vérité que celle que l’on découvre, plutôt que celle qu’on nous injecte sans discernement.

Enfin, pardonnez mes digressions. Revenons-en à ces fameuses ethnies, que je vous décrirai succinctement ici-même. Tout d’abord, il existe trois origines, le Nord, l’Est et l’Ouest.

La première, la plus majoritaire, est sans nul doute celle qui était présente en ces terres avant l’arrivée des Abysses. Venus de l’Ouest, ils se nomment « contemporain.es » en référence à leur étroite connexion avec Havrecœur. De taille et de corpulence moyenne, les individus appartenant à cette origine sont pour le moins classiques, et représentent ce que vous pourriez considérer comme « la moyenne ». Naturellement, c’est à ce peuple que nous devons les prodiges technologiques ayant permis à l’humanité de survivre, leur maîtrise de la technomagie n’étant plus à prouver. Connue pour son patriotisme, son inventivité et son amour de la gastronomie.

La seconde origine puise son origine dans le Nord, ou en tout cas les régions les plus froides ayant été explorées que nous assumons être au Nord. Plus grands et plus pâles que leurs homologues de la capitale, les Nordiens arborent en général un corps plus robuste et taillé pour l’effort, laissant présager que leur vie était autrefois rude. Leurs traditions ne sont toutefois aucunement barbares, et on se remet sans crainte à leur jugement lorsqu’il est question de magie, d’alchimie ou de médecine. Si conflit il y avait naguère avec eux, leur inclinaison pour les arts occultes en était sûrement la cause.

La troisième origine, dernière à être considérée comme majoritaire, est de loin la plus mystérieuse. En effet, dotés d’oreilles pointues, d'yeux perçants et d’une santé de fer, il y a en eux quelque chose qui semble dépasser le statut d’humain. Une ascendance elfique, selon certains, ce qui pourrait bien ouvrir la voie vers la potentielle existence d’autres races, hélas sûrement éteintes aujourd’hui. Véritables génies militaires et logisticiens, c’est un peuple érudit, habité d’une force tranquille les invitant à rester loin des champs de bataille, ou à l’inverse à déverser leur hargne au milieu du charnier. Des êtres curieux, des hommes qui portent peut-être en eux la preuve d’un métissage, et d’une terre jadis partagée avec d’autres civilisations. Nous les appelons les elfes pour simplifier le propos, encore qu’ils n’en sont vraiment pas.

Enfin, en plus de ces trois origines, il faut nommer trois communautés, beaucoup plus restreintes et effacées, mais tout aussi - sinon plus - intéressantes d’un point de vue anthropologique et historique. D’une façon assez amusante, ils ont tous en commun le fait d’être héritier d’un ensemble autrefois plus grandiose. Nous les appelons ethnies, elles sont dispersées un peu partout, tant à l’Ouest, qu’au Nord, qu’à l’Est.

Les premiers à me venir en tête sont ceux que l’on a nommé « rejetons vampiriques ». Un petit peuple hélas trop souvent méprisé et isolé par les préjugés. Il s’agit pourtant d’êtres humains parfaitement normaux, comme vous et moi, à la différence qu’ils portaient dans leurs gènes une infime, véritablement ridiculement petite portion de sang vampirique. Ce sang se serait « réveillé » chez le nourrisson, donnant ainsi naissance à un rejeton, qui doit dès sa naissance composer avec quelques pénibilités. Hypersensibilité à la lumière, perte de repères, yeux rouge sang reconnaissables entre milles et oreilles plus pointues encore. Et puis il y a bien sûr le besoin de se nourrir, obligeant la majorité des rejetons à errer la nuit et se repaître de rats ou autres créatures, sachant qu’attaquer un autre être humain signerait l’exécution du vampire. Ils cultivent un bien étrange équilibre, entre stabilité et folie, entre violence et volonté de normalité. Ils font d’excellents assassins, agiles et véloces, habitués à rôder dans l’ombre et à saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent.

Les demis-diables, quant à eux, arborent au sommet de leur crâne l’héritage fou et maudit d’un peuple que l’on pense sinon démoniaque, au moins maudit. Deux cornes, à la forme et taille changeantes, typique des démons et satires de nos vieilles mythologies. Nonobstant, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce sont des individus plutôt aimables et discrets, n’aimant pas l’attention que leur mystérieuse origine galvanise. Ils aiment vivre en petite colonie et ne semblent pas particulièrement bâtis pour la pratique de la magie occulte, préférant paradoxalement s’en éloigner le plus possible. Plutôt, ils font d’excellents guerriers, pourvus d’une constitution supérieure à la norme qui leur confère une force et rapidité accrues. Sachez de plus que les demi-diables sont des êtres fiers, qui n’apprécient pas l’idée de devenir des prédateurs, ou des phénomènes de foire. Dotés d’un sang aussi chaud que là d’où proviennent leurs cornes, les provoquer plus que de raison serait une idiotie.

La dernière communauté que j’aimerais aborder dans ce chapitre est celle des demi-élémentaires. Des embryons « infestés » par une source de magie si pure et puissante qu’elle en a modifié leur physionomie. On reconnaît les demis-élémentaires à la couleur de leurs yeux, souvent extravagante et tapante. Ils portent en eux un potentiel incroyable envers la magie, tant qu’ils doivent souvent purger le surplus de mana pour ne pas en souffrir. De plus, leur utilisation de la magie varie de celle du commun des mortels, chaque sortilège étant suivi par une sorte de fumée vaporeuse caractéristique, comme des émanations de mana brut. En outre, les demi-élémentaires peuvent commencer à utiliser la magie avant la révélation de leur rune personnelle. Ils sont néanmoins cantonnés à de petits sortilèges inoffensifs qu’ils délaissent en général bien vite une fois leur rune révélée. Ce sont des entités sensibles, raisonnables et fascinantes, que je ne recommanderai ni de brusquer ni de faire ennemi. Nous avons beaucoup à apprendre de leur lien avec la magie, de même que nous pouvons user de notre technologie pour faciliter leurs vies trop souvent chaotiques. De véritables batteries de mana mobile, avec une aisance incomparable pour les arts magiques.

Je ne mentionnerai pas ici les quelques cas de maudits, erreurs magiques, cas d’école ou situations inexplicables, il faudrait leur rendre honneur au travers d’une analyse personnalisée, et nous n’avons guère le temps pour. Gardez simplement en tête que la paix a un prix, qu’elle est une chose fragile que nous devons absolument préserver, ce qui ne peut se faire qu’avec lucidité, tolérance et écoute.

Nous avons bâti une société où les différences sont gommées, et où tout est pensé pour que le vivre ensemble puisse s’opérer. Riches et pauvres, gens de l’Est ou du Nord, nordiens ou elfes, point de disparités, d’hésitation, d’inégalité. Continuons en ce sens, chers amis, surtout quand la nuit reviendra. »

NDLA : Dans votre profil, il vous sera demandé de renseigner à la fois l’origine de votre personnage, mais aussi son ethnie. Exemple : Origine : Nord / Ethnie : Demi-Diable. Vous pourrez laisser la case ethnie vierge ou y écrire « humain » si vous incarnez un citoyen lambda sans spécificités.
Bienvenue, bleusailles !, discours donné par l’instructeur Vladim Throyok à tous les citoyens de plus de quinze ans,

« Bon, asseyez-vous ! Et on la boucle.

Je vous préviens, ça risque d’être assez long, alors ouvrez grand vos escourbiffes et prenez des notes. Pour ceux qui savent écrire. Parce qu’il y en a. … Pas vrai ?

Bon, si vous êtes là, c’est que vous êtes sur le point de débuter votre service militaire. Comme vous le savez, il est obligatoire pour tous les citoyens de Havrecœur âgés de seize ans. Normalement, ceux qui l’ont voulu ont déjà pu passer le Rituel de la Révélation, et vous connaissez donc votre école de magie. Pour les autres, ce sera soit plus tard, soit on s’en fout. Vous allez rester là pendant un an, vous faites vos classes, on vous apprend à vous défendre et à servir votre patrie, puis… Vous avez le choix.

Vous pouvez continuer sur votre lancée et rejoindre l’armée, vous pourrez alors vous spécialiser et rejoindre officiellement les rangs de Sa Majesté. Si vous êtes vraiment bon, vous monterez en grade et on vous confiera des responsabilités. Caporal, Capitaine, pourquoi pas Commandant, ça dépend.

Si vous êtes plutôt du genre à vous abîmer les yeux sur des vieux livres, vous pouvez filer à l’Académie pour vous former à la magie appliquée et devenir mage, ou professeur, ou.. les gens qui savent plein de trucs et qui ont des barbes, là.

Enfin, si l’action c’est vraiment pas votre truc, vous pouvez tout simplement repartir chez vous, cultiver la terre ou vendre des pommes. Pas de jugement ici, il faut de tout pour faire un monde, et je m’attends de toute façon pas à ce que les bourgeois se réjouissent à l’idée de se salir les mains.

Pourtant, n’imaginez pas que vous êtes tiré d’affaires pour autant. Vous avez sûrement entendu que « Toute âme qui vit en Avalon est un soldat. », hé bah c’est vrai. Du moment que vous avez fait votre service militaire - qui est obligatoire, vous êtes considéré comme réserviste. Que vous décidiez de poursuivre ou non.

En d’autres termes, si Sa Majesté a besoin de vous, vous débarquez. Si vous vous sentez pris d’un élan de patriotisme et que vous voulez rejoindre une mission ouverte, vous débarquez. S'il y a une urgence quelconque, vous débarquez.

En bref, vous serez de toute façon tous dans l’armée, vous pouvez juste choisir à quel point. A priori si vous avez vraiment pas envie vous pourrez toujours éviter de vous pointer en mission ou en expédition, mais les convocations, vous passerez pas à côté. Et puis, que vous sachiez vous battre ou pas n’a pas tellement d’importance, on a besoin de tout. De gens qui savent des choses, de combattants, de mages, d’enquêteurs, vous connaissez le dicton; vous avez un rôle à jouer. Donc bon, voyez pas votre statut de réserviste comme celui de combattant, plutôt que vous êtes un soutien de Havrecœur et que faudra agir pour le bien commun, à votre manière.

Dans l’armée - parce que c’est quand même de ça qu’on est supposés parler aujourd’hui, il faudra vous attendre à des expéditions en terres périlleuses, à des opérations de protections et de reconquêtes, et des missions uniques et personnalisées. Pour ceux qui veulent persévérer dans cette voie, il sera possible de rejoindre « La Milice », qui est notre corps de garde, c’est eux qui font régner l’ordre dans la rue. Là, en plus de vos attributions classiques de soldat, vous serez responsable du calme de la Cité, ainsi que de la lutte contre la pègre.

Vous avez tout compris ? On est tous réservistes. Mais ceux qui veulent peuvent rejoindre l’armée à temps plein et créer une carrière là-bas pour faire différentes opérations à grande échelle. Et si vous préférez la sécurité, vous pouvez rejoindre la Milice pour protéger les rues, faudra juste prier de pas atterrir chez les Pacificateurs, haha…

Enfin bon, vous savez à peu près tout, et je vois que y’en a que trois qui se sont endormis. C’est une réussite.

Suivez-moi, on va se réveiller avec un petit échauffement. »

Havrecœur, le dernier rempart, document retrouvé dans un atelier, écrit par [nom barré],

« Tout commence avec ce château. Cet amalgame de technologie ayant évité à l’humanité de rencontrer le sort funeste qui lui était promis. Une machine vrombissante de tous les diables, qui imposa quelques nuages bien opaques entre l’humanité et les Abysses. Une aubaine. Un véritable miracle, dirait-on même, arrivant pile au bon moment. Comme à chaque fois.

Ce château a flotté pendant quelques mois, consommant à chaque heure plus d’énergie qu’en nécessiterait un homme durant toute sa maigre vie. D’en haut, les générations précédentes étaient ainsi en première ligne pour observer l’horizon lorsqu’il se remplissait du noir de ténèbres, et que les vies innocentes étaient moissonnées plus vite encore que le blé une fois l’été venu.

Lorsque tout redevint calme, ou plutôt lorsque les esprits émoussés et limités de nos prédécesseurs ont compris qu’il leur serait impossible de renouveler l’énergie et prolonger le vol : le castel dû atterrir. Hélas, puisqu’un malheur n’arrive jamais seul, les survivants à bord de l’embarcation de malheur durent survivre audit atterrissage raté, ainsi qu’une offensive lancée par quelques rejetons abyssaux toujours sur place, des créatures odieuses et redoutables, qu’il fallut vaincre dans l’urgence.

Une fois cela fait, le château s’effondra pour de bon, et l’on comprit que plus jamais il ne voyagera. Ni dans les cieux, ni sur la terre. Alors on choisit de le convertir. En phare, en balise, en édifice qui enseignera à tous ceux qui le contempleront que : oui, l’humanité a survécu à son extinction.

C’est là que ce qui vous intéresse entre enfin en scène : Havrecœur.

Elle fut construite autour du château, avec la minutie et l’expertise d’un peuple conscient qu’il façonnait la pierre angulaire du nouvel âge. Ils bâtirent plusieurs niveaux de remparts, occupèrent l’espace de sorte à pouvoir loger le plus de gens possible et firent le nécessaire pour gommer les différences de fortune ou de rang : ici règnera l’égalité.

C’était il y a un siècle.

Aujourd’hui, la priorité n’est plus de consolider la cité, mais de choisir la direction que notre destin commun empruntera. Tout le monde ou presque est logé, nos bâtiments les plus importants sont vastes et majestueux, de nouvelles générations ont vu le jour dans un monde de paix et d’unité. La ville est chatoyante, colorée. Il y fait bon vivre malgré les quelques fauteurs de troubles et les décisions sont prises par Sa Majesté et son proche conseil.

Plusieurs dizaines de milliers d’habitants logent désormais à Havrecœur, la ville s’étant étendue aussi loin qu’une capitale de royaume. Il y a de la place pour se promener, pour lancer une activité, et même pour récolter, car des champs se trouvent à l’intérieur des remparts principaux.

La seule différence qui subsiste se trouve au niveau des établissements particuliers. Les auberges les plus prestigieuses, les repaires de voleurs ou de mercenaires, ou encore les ateliers des plus efficaces artisans. C’est dans ces endroits que s’exercent les quelques rares privilèges que le peuple peut encore se disputer : la richesse et l’influence. Le gouvernement est assez ouvert quant aux activités de ses citoyens et est conscient que ces « établissements » contribuent grandement à l’épanouissement général. De fait, ils offrent une chance aux ambitions de s’élever, donnant l’impression qu’ici bas tout est possible. Qui sait, peut-être que les grosses têtes d’aujourd’hui seront les têtes couronnées de demain.

Il n’y a pas de quartier riche, pas de quartier pauvre. S’il est vrai que les anciens nobles et les plus fortunés gravitent généralement autour du château, leur vie n’est pas si différente de celle du roturier. En vérité, seule Sa Majesté et son armée ont une autorité à exercer, et les nantis d’autrefois ne font que se chamailler dans l’espoir de partager ce qui reste à partager. À voir les choses de cette façon, on croirait bien que nous l’avons, ce paradis.

Hélas, la population ne fait que grandir, et avec elle arrivent d’autres défis auxquels il faut répondre. D’ici une génération, il y aura beaucoup trop de bouches à nourrir, et trop peu de toits sous lesquels les abriter. Si une première solution a déjà été déployée, et que nous avons conquis un peu de terre autour de nos remparts pour y mettre des villages et des champs, ça ne suffira pas. Encore faut-il prier que les murailles soient achevées avant que les Abysses ne rappliquent, qui plus est.

Gardons cependant les pires attraits de la réalité pour une fois prochaine. J’ai toutefois en ma possession u- le texte s’arrête de façon abrupte, le reste de la page est maculé d’une encre noire opaque. Vous devinez vaguement les formes indistinctes d’une carte où des points d’intérêt sont entourés, garnie d’annotations griffonnées à la va-vite.] »

Quelle est votre destinée ?, affiche de propagande retrouvée dans des décombres, auteur inconnu,

« Voyageurs, aventuriers, soldats et citoyens ! Je m’adresse à vous.

N’avez-vous jamais rêvé de connaître votre avenir ?

Le Tarot est la solution. Mais détrompez-vous, il ne suffit pas de laisser n’importe qui vous tirer les cartes… Le Tarot est une véritable discipline. Un talent inné qui n’est offert qu’à peu d’âmes. Les cartes ne s’ouvrent qu’à ceux qui savent leur parler.

Je vous offre mes services en échange de quelques pièces d’or. N’hésitez plus, c’est votre chance. Je connais les cartes et les cartes m’ont jugé apte. Sous les yeux du Monarque et de l’Amoureux, je vous fais ce serment : il n’y a point de déception sous mon toit.

Un problème ? Une période sombre qui vous fait croire qu’il n’y aura plus de lendemain ? Allez-vous trouver votre âme-soeur ? Les cartes ont les réponses, ainsi que des solutions. Il vous suffit d’y croire.

Venez découvrir votre destinée ! »

Miniature de la fresque du château de Havrecœur, toile d’Armand de Montvallois,

Sous vos yeux, une merveilleuse toile aux couleurs chatoyantes. Vous ne savez pas exactement ce qu’elle signifie, mais vous connaissez la légende sur la fresque du château de Havrecœur. Une gigantesque fresque aurait été peinte à même le plafond du grand hall ; œuvre d’art que peu de personnes ont un jour eu la chance de contempler. Toutefois, en observant cette miniature, vous vous sentez apaisé.

Une forêt aux verdures parfaites dans laquelle se trouvent de nombreuses créatures. Des lucioles virevoltent dans chaque recoin. Un renard endormi se repose sur les genoux d’une femme à la peau laiteuse, nue et étrangement sereine. Un aigle les observe depuis une branche, son piédestal. Au loin, un loup hurle à la lune ; sur celle-ci, une silhouette de serpent se devine. Un corbeau pioche quelques bouts de branches à même le sol. Plus haut, un dragon caresse les cieux de ses splendides ailes. Une cage est pendue à la branche d'un arbre, de celle-ci s'échappe une merveilleuse colombe.

Le souvenir des temps anciens, chanson d’un barde peu réputé,

« Dans les bois d'antan, les fées et la symphonie,
De leurs ailes chatoyantes, déployant des éclats infinis.
Les faons, aux regards doux, gambadaient avec délice,
Les dragons caressaient le ciel, en parfaite harmonie.

Les nymphes dans les rivières, éclats d'eau cristalline,
Leurs chants apaisaient, tels murmures de la divine aurore.
Les créatures éthérées, gardiennes de l'équilibre,
Dans un éden prospère, où le mal semblait inutile.

Avant que les ombres ne dansent, dans ce monde enchanté,
Les bois chantaient en chœur, la vie s'étendait en liberté.
Mais l'ombre s'avança, d'un noir funeste armée,
Les Abysses surgirent, laissant le chaos s'installer.

Le ciel, autrefois joyau constellé, à l'ombre s'éteignit,
Les cris des créatures, témoignèrent d'un destin flétri.
Dans l'ombre des abysses, la vie se cacha, effrayée,
Le souvenir des temps anciens, à jamais enseveli...

Les ténèbres s'avancèrent, écrasèrent chaque espoir,
Les créatures majestueuses se replièrent dans le noir.
Les abysses semèrent le chaos, leur sombre empreinte perdura.
Des bêtes immondes, aux yeux d'un rouge sinistre.

Avant que les ombres ne dansent, dans ce monde enchanté,
Les bois chantaient en chœur, la vie s'étendait en liberté.
Mais l'ombre s'avança, d'un noir funeste armée,
Les Abysses surgirent, laissant le chaos s'installer.

La mémoire du peuple, perdue dans l'obscurité,
Les échos du passé, dans la nuit restèrent figés.
Les bois pleurèrent en silence, sous le poids des abysses,
Dans l'ombre, l'espoir persista, malgré les cicatrices.

Le souvenir des temps anciens, à jamais enseveli...
Le souvenir des temps anciens, à jamais enseveli...
Le souvenir des temps anciens, à jamais enseveli… »

Verte-lande, page récupérée par Astilbe Saelter lors d’une excursion,

« Consignons entre ces quelques lignes la mémoire de Verte-Lande, terre florissante et verdoyante du Sud. Terre maudite frappée par l’infâmie et malmenée par les affres de catastrophes retorses, nous avons plié, mais jamais n’avons brisé.

Autrefois, le royaume fleurissait à même les arbres, et nos cités vivaient à l’abri des regards indiscrets. Des côtes jusqu’aux abords de la forêt de Castelombre, notre envoûtement détournait les envahisseurs et assurait la paisibilité de nos terres. La magie comme d’une seconde nature, nous érigeâmes des barrières et poussâmes notre art par-delà toute mesure.

Méprisés par les esprits insensibles à la beauté de notre culture, jamais nous ne quittions notre forêt. Ni lorsque la guerre dévasta le continent entier et que nos deux voisins étaient prisonniers d’une guerre éternelle, ni lorsque la ruine s’imposa à la chaleur de nos chaumières…

En l’honneur de notre sauveur, cette corruption fut nommée « La Peste d’Adramelech ». Comme d’une gangrène, elle rongeait la terre et nécrosait la nature. Plus rien ne poussait, l’herbe pourrissait, les arbres flétrissaient, et la faune fuyait. La forêt est malade, son air vicié, comme saturé par une malédiction. Toute l’essence vitale était absorbée, tout ce qui était vivant… était amené à mourir. Au début, nous suspections un mauvais coup de la part des Terres de l’Est et de leurs maudits arts occultes, mais nous avions tort.

C’était autre chose.

Notre roi eut alors une autre idée, celle d’imputer ce phénomène cauchemardesque à l’essence même de la magie : le mana. Et il eut raison. A force de systématiquement faire appel à la magie pour améliorer la sécurité et le confort de nos terres, nous en avons prélevé plus que de raison et perturbé l’équilibre du monde. En réponse, ce dernier a récupéré ce que nous lui avons volé, ôtant jusqu’à la dernière parcelle de vie des terres que nous occupions.

La ruine avançait et s’imposait aux portes de notre capitale lorsque l’Expédition Miracle fut lancée, avec à sa tête le roi Adramelech le Pur. Ils savaient que la mort était au bout du chemin, mais tous partirent en chantant et en brandissant nos étendards. Ils conquirent le marécage et ses créatures horribles jusqu’à atteindre son sein, progressant dans la mort, chaque pas drainant un peu plus de leur énergie vitale.

Là, la légende veut qu’Adramelech fut le choix de se sacrifier, offrant toute sa magie à la terre dans l’espoir d’apaiser sa colère. Il y parvint à peine, car plutôt que de rétablir les terres qui avaient déjà été rongées, il permit seulement à la Peste d’arrêter sa course. Le prix à payer était fort, mais il nous enseigna l’importance de l’équilibre, et que la magie n’est pas l’allié des civilisations. C’est une contingence capricieuse, qui dépasse de loin notre compréhension du monde.

Seule Riana, notre capitale, resta debout, à l’extrême Sud, face à l’océan. Nos forêts autrefois luxuriantes étaient devenues des marécages infestés de bêtes rendues cinglées par la magie, et à jamais flotterait sur notre royaume l’ombre de cette peste mortelle.

L’histoire s’apprend dans le sang. »

Créatures, témoignage peu vraisemblable

« Tous ces corps… tout ce sang. La terre telle que nous la connaissions se nourrit désormais de bouts de chair, les plaines sont parsemées de cadavres et la faune… Cela doit faire quelques mois que je n’ai plus aperçu de biche aux abords de la forêt.

La majorité de la population a péri durant la guerre. Je n’oublierai jamais leurs cris. Havrecoeur tout entier les entendait depuis les cieux. Mon cœur s’épuise à l’idée que nous soyons restés là, sans rien faire. Démunis… Mais la cité n’a jamais été connue pour ses vastes ruelles. Nous ne pouvions plus accueillir davantage de réfugiés… alors, tous les autres ont été condamnés.

Cette nuit, j’ai fait un rêve. Il n’était guère semblable à ceux que je fais chaque nuit. Je crois… Oui, je crois que c’était un souvenir.

Mais comment aurais-je pu oublier une telle chose ?

Et pourquoi Diable personne ne semble se rappeler d’elles ? Ces créatures au souffle embrasé, aux ailes gigantesques… Dans mon rêve, je les ai vu massacrer ces monstres abyssaux.

Tout le monde semble persuadé que la guerre s’est terminée d’elle-même. Pourtant, personne n’explique la raison pour laquelle le nombre de créatures abyssales a drastiquement diminué. Pensent-ils sincèrement qu’elles sont retournées se terrer dans l’ombre ? Qu’elles sont retournées d’où elles venaient, après avoir mis à feu et à sang le monde entier ? Je veux savoir… Comment le massacre a-t-il pris fin ?

Où sont passées les bêtes ailées ? »