Bien incapable de profiter du lyrisme d'un lever de soleil bienheureux, c'est au plus profond de la nuit qu'Ada doit trouver un peu de beauté et d'émerveillement. La clarté d'une lune parfaitement dessinée, le scintillement stellaire et les arabesques y étant dessinées entre deux nébuleuses, les lueurs d'une ville qui refuse de céder au sommeil. Tel était son quotidien; constellé de petits moments de rêverie et de l'élégante sobriété de ce que la nuit enjolivait.
Ainsi habituée à naviguer de nuit dans les eaux troubles des quartiers malfamés, elle savait reconnaître d'un coup d'œil ce qui était anodin et ce qui ne l'était pas. Les ronflements du soûlard assoupi dans les écuries ne l'interpellaient plus, de même que les bagarres de taverne étaient devenues des distractions presque ennuyantes.
En revanche ce qui n'était pas banal, c'était de voir quelqu'un grimper le long des toits, s'y faufiler et s'y bâtir un promontoire duquel il pouvait observer le reste de la plèbe. Si Ada ne sut immédiatement définir les motivations derrière pareille acrobatie, elle comprit bien vite qu'il s'y trouvait une distraction bénie, une occasion parfaite pour tromper l'ennui.
A son tour, elle s'élança à la conquête du toit, serrant au préalable les sangles qui retenaient ses armes pour que ces dernières ne tintent pas à chaque mouvement. Une main après l'autre, elle prit appui sur un rebord de fenêtre, puis sur une gouttière, puis sur les tuiles du fameux toit. Le dos incliné et les jambes fléchies, elle avança à pas de loup jusqu'à surgir de derrière l'observateur. Elle essaya de suivre son regard, mais ne vit rien qui justifiait sa concentration extrême.
Dit-elle, grondant sans vergogne cet inconnu. Elle agite son doigt pour le réprimander, les sourcils froncés sous l'empathie qu'elle ressent pour les malheureux égarés, et pour sa propre bourse perdue aux champs d'honneur.
Ada & Placide
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