Alors que vous déplaciez quelques bougies, de par votre manie infernale, quelqu'un toque à la porte.
Vous vous précipitez, tout en faisant attention à ne pas vous essouffler, jusqu'à la porte de votre majestueuse demeure. D'une main noble, douce et gracieuse, vous ouvrez cette dernière, octroyant à vos domestiques la vue sur un homme extrêmement plaisant.
Vêtu d'un costume blanc, immaculé, aux parures d'or, témoignant de son appartenance sociale, il place une main sur son cœur et vous salue. Tandis qu'il abaisse légèrement son menton, quelques mèches de sa chevelure mi-longue rebelle, noire de jais, se précipitent devant ses yeux. Il se redresse aussitôt, replaçant sans mal ces dernières tandis qu'il pose un pied dans votre salon.
L'un de vos domestiques s'approche pour fermer la porte derrière vous tandis qu'un autre vous offre un plateau de cocktails apéritifs. Vous choisissez celui qui vous convient le mieux et Monsieur en fait autant ; une coupe de champagne, cela lui scie à la perfection.
Il plonge ses prunelles violacées dans votre regard, dans l'attente d'une réponse.
Peut-être même constituerait-il une menace pour vous et vos petites magouilles, Blodwyn. C'est pourquoi vous êtes ravie de l'accueillir ; attirer la bête dans votre antre, la rallier à votre cause comme vous le pouvez et surtout, la persuader de votre... bienveillance, n'est-ce pas ?
Il se place près de son siège et s'assoit le premier, vous offrant un geste de sa main gantée, témoignage de sa gratitude. Alors qu'il s'assoit, vos domestiques font demi-tour et s'agitent étrangement, en direction de la cuisine. C'est tout naturel, puisque l'invité est désormais placé et n'attend plus que le début du dîner. Vous ne remarquez pas que l'éclat de leurs iris a soudainement... disparu.
Il s'installe confortablement, observant la décoration tandis que vous lancez les hostilités. Ce faisant, il vous répond tout naturellement... en ignorant complètement votre demande, à son tour.
Il s'arrête à ces mots. Ses iris aux reflets violets viennent de nouveau rencontrer les vôtres, et son sourire se fait plus discret. Vous ne sauriez l'expliquer, mais cet homme dégage une aura qui, quelque part, vous met en garde. Votre instinct vous dicte quelque chose ; mais quoi, exactement ?
Laissant son gant reposer sur le plat de la table drapée, il s'appuie sur cette dernière afin de se relever. Arnold Durastel, de son nom complet, se dirige pas à pas dans votre direction, les bras croisés à l'arrière de son dos. Sa voix se fait plus forte, et pourtant plus douce à la fois. Tandis qu'il s'avance, il ose quelques mots à votre égard. Et quelque chose vous dit que sa prestance est peut-être... bien plus à la hauteur de sa réputation qu'elle ne devrait l'être. Un homme nouveau se dresse devant vous.
Il pose cette main, dont l'absence de gant vous semble menaçante, sur le côté gauche de votre siège. Tandis que l'autre vient se poster à l'opposé de la première, il se penche dans votre direction ; courbant légèrement l'échine pour approcher ses lèvres de votre oreille, il murmure à présent une menace qu'il ne vous faut pas ignorer.
Un frisson vous parcourt le corps. Votre instinct de survie se met en alerte.
Des mots qui semblent ne pas parvenir à leur destination. L'homme vous dévisage, un air de dégoût se profile aux coins de son minois et, alors que vous vous attendiez à ce qu'il ose démentir ou valider vos hypothèses, il lève une paume dans votre direction.
Soudain, votre corps tout entier se met à léviter au-dessus de la chaise qui assurait votre position quelques secondes plus tôt. D'un geste vif, il vous projette contre le mur à l'autre bout de la pièce. Votre dos claque contre la paroi, vous serrez les dents pour supporter la douleur et tentez de vous débattre ; comme si une force méconnaissable vous retenait prisonnière.
Une force qui prend rapidement vie. De parts et d'autres, de gigantesques chaînes spectrales noires, aux reflets vous rappelant les iris qu'il arbore, prennent forme et vous attachent de tous les côtés. Pieds et poings liés contre ce mur, vous vous retrouvez sans défense. Alors qu'il baisse sa main et que les chaînes vous retiennent, il s'avance, bras croisés dans son dos.
Quelque chose s'agite à l'intérieur de votre esprit. Votre démon croit reconnaître en Arnold une menace imminente, un obstacle qu'il n'a pas la force de surmonter. Il hurle à vous rendre migraineuse.
Son regard et son visage se font plus fermes, plus sérieux soudainement ; il délie ses bras et porte ses cinq doigts à votre ventre. C'est là que vous le sentez ; cet afflux de mana impressionnant, ce pouvoir intense et cette puissance déstabilisante. Vous vous sentez faiblir, tandis qu'Azhazel se met à hurler de plus belle et que...
Une voix s'insuffle d'elle-même dans votre esprit, ou plutôt... dans celui de votre démon. L'homme face à vous semble vouloir le réveiller. Bien plus qu'il ne l'est déjà, et qu'il ne le sera jamais.
Azhazel hurle pour la dernière fois. Votre corps s'en trouve désormais plus fort, plus résistant ; vos cornes déjà proéminentes deviennent bien plus immenses encore, se teintant d'une couleur plus sombre. Vos iris brillent d'une lueur rougeâtre et vos doigts se transforment peu à peu en des griffes crochues et acérées. L'espace d'un instant, la raison semble vous abandonner ; des crocs vous poussent, de la salive s'extirpe de votre bouche et vous tentez... de l'attaquer ?
En vain. Les chaînes qui vous retiennent empêchent tout mouvement. Vous... grognez. Incontrôlable, comme si votre corps ne vous appartenait plus, vous vous débattez dans tous les sens et votre sens de la parole s'est fait emporter dans le néant.
Lorsqu'il retire sa main, vous reprenez votre apparence normale et votre capacité à communiquer.
Ce dernier se met à rire.
Il ne semble pas relever le reste de votre discours, comme si vos mots ne l'atteignaient aucunement, qu'il avait l'avantage et surtout, le savoir que vous n'aviez pas. Pourtant, au fond de vous, vous comprenez, rien qu'à l'attitude de votre démon qui déjà se met à sourire dans votre esprit, qu'il n'a peut-être... pas tort. Qu'Azhazel mijote quelque chose qui vous échappe à cet instant.
Alors qu'il lève sa main non gantée dans votre direction, des bracelets dorés de nature arcanique apparaissent à vos poignets - une autre chaîne les relie, cette fois-ci blanche et dont la lueur vous éblouit. Bien vite, tout ceci s'évapore comme si cela n'avait jamais existé. Pourtant, vous les savez bien présents. Simplement... invisibles à l'œil nu.
À ces mots, les chaînes qui vous retenaient prisonnière disparaissent dans un bruit d'éclat de verre. Vous voilà libre... Si l'on veut.
Quoiqu'il en soit, vos mots sont d'acier, vos paroles cassantes et votre voix brisée. Vous n'avez plus la moindre force, pas plus que vous n'ayez l'énergie pour tenter de démêler ce charabia ; un message sans queue ni tête qui sans doute, a grande importance à ses yeux, mais aucune valeur aux vôtres. Un léger sourire habille les traits de son minois si populaire, il s'avance jusqu'au bout de la table et caresse du bout des doigts le bois massif dont elle est composée, se déplaçant vers l'arrière de cette dernière.
Dans votre esprit, l'image d'Azhazel est toute autre. Ses poignets sont eux aussi liés par deux bracelets semblables aux vôtres et il ne semble... point apprécier ce tout nouvel attirail.
À ces mots, il porte une main à son cœur. Une grimace volatile se forme brièvement sur son visage, dont il fait bien vite fi afin de reprendre contenance. Une élégance qu'il ne faudrait ni trahir, ni bafouer, et dont vous entendez la pureté. Il se racle doucement la gorge avant de reprendre.
Une fois encore, le myocarde du noble s'emballe et sa main se crispe à même sa veste. Une nouvelle grimace, cette fois plus marquée, fait son apparition ; quelques secondes s'écoulent tandis que l'homme aux cheveux noirs de jais courbe l'échine, plaquant une main sur la table. Haletant, sombrant lentement dans un mal-être dont vous ignorez la cause, vous comprenez une chose : s'il y a bien une occasion de vous venger, c'est maintenant.
Il ricane, comme s'il se parlait à lui-même. Ce pouvoir, cette puissance est toujours là, quelque part, vous la sentez à travers le mana qui émane de tout son être comme un véritable fléau, une gangrène infâme dont il vous faut vous éloigner.
La douleur le gagne de nouveau, mais il tient bon... une dernière fois, une dernière parole avant de s'écrouler. Vous le sentez partir.
Il porte une main à sa tête, et alors que vous l'observez davantage, vous remarquez une chose : ses iris perdent de leur couleur, et l'aura qui l'entourait auparavant s'amenuise.
Ces derniers mots sont accompagnés d'un cri de douleur, que vous devinez provenir d'une toute autre créature au cœur du même corps. Les iris dudit Durastel se colorent d'un merveilleux jaune ambré, il halète, courbe l'échine alors que ses jambes le trahissent. Le voilà effondré, à même le sol, émergeant d'un lieu lointain. Comme s'il avait vécu une aventure affreusement douloureuse, éprouvante. De la sueur perle sur son front ; le pauvre homme s'est tellement tenu le crâne, tentant d'adoucir quelque peu sa peine, que sa chevelure s'en trouve décoiffée.
Il redresse doucement le menton dans votre direction. Son souffle saccadé vous épuise tant il est communicatif, il vous regarde comme s'il ne savait plus discerner le réel du songe. Des yeux ronds, un visage démontrant beaucoup moins de prestance que celui qui s'adressait à vous quelques secondes plus tôt...
Il s'exprime alors, d'une voix brisée par l'effort.
Il observe ses paumes, abasourdi, exprimant une déception sans pareille.
Son regard s'agrippe au vôtre de plus belle.
Il déglutit discrètement, observant les dégâts causés par la chose qui s'était accaparé son propre corps. Inquiet, peinant à retrouver son chemin vers le monde réel, il hésite d'abord, puis prend le temps d'appuyer une paume sur la table, conscient que tout ceci a dû vous mettre de très mauvaise humeur.
Pensif, il trouve la force d'observer la paume de sa main dénudée, comme si celle-ci décelait les réponses à toutes ses interrogations. Il fronce légèrement les sourcils, persuadé d'avoir encore quelque chose à vous dire. S'il n'était pas en position de se rappeler de ces événements, peut-être pourriez-vous l'aider à en apprendre davantage, vous aussi.
Une seconde de réflexion lui est nécessaire quant au processus de compréhension de la situation.
Tout aussi confus que vous, Durastel porte une main à ses lèvres, réfléchissant à une façon de trouver la vérité dans cette histoire. Puis il se reconcentre, prêt à tout pour se rappeler du moindre détail. Soudain, son expression s'illumine.
Il soupire et vous constatez qu'Arnold peine à rester éveillé. Cette expérience a dû fortement l'afflaiblir.
Il balaie son hypothèse de la main et la fatigue commence à se voir sur son visage. Une moue déçue s'affiche lorsqu'il acquiesce à votre proposition.
À ces mots, il retient un soupir et se lève, récupère son gant dans la foulée avant de l'enfiler et se dirige vers la sortie.
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