Assis sur la terrasse de la taverne, votre regard balaie la scène. Bardes et danseurs divertissent l'auditoire, des chapeaux sont éparpillés à même le sol et remplis de quelques pièces d'or, des enfants sont installés en tailleur et profitent du spectacle. Il fait beau, le soleil commence à poindre de nouveau et une légère brise fait virevolter les pans de votre chemise.
Une quiétude longtemps rêvée, que vous tentez de chérir au possible.
Serein, vous ne prêtez pas attention à la jeune femme qui s'assoit à votre table. Mais alors qu'elle vous fait signe et vous sourit, vous la regardez. Vêtue d'une longue robe de fortune, une femme menue à la peau laiteuse, celle-ci se met à rougir. Vous vous demandiez bien la raison d'une telle initiative, mais lorsque votre regard se pose sur la terrasse, vous comprenez : il n'y a plus une seule place de libre ! Si ce n'est à votre table.
Embarrassée, elle détourne légèrement le regard et garde le menton bas. Aurait-elle peur de vous déranger ?
Pas une question, pas de discussion, elle n'a pas l'air à l'aise. Quelque chose la tracasse, si bien qu'elle ne remarque pas que le tavernier l'interpelle. Après une relance, elle se retourne, confuse.
Le tavernier s'en va et vous laisse en tête-à-tête ; son regard oscille entre vous et ses doigts qui, toujours, tapotent le bois sur lequel repose votre choppe. Elle semble hésiter, se raviser, et hésiter à nouveau. Quelque chose lui trotte dans la tête ; puis elle met fin au suspens.
Elle se redresse légèrement, pointant son pouce en direction de la ruelle derrière la taverne.
Elle semble vraiment tenir à ce vase. De là à vous ôter votre moment de relaxation à cette taverne, et à en oublier la chope d'eau qui venait tout juste de lui être servie.
Elle porte deux mains aux doigts fins et allongés sur cette chope d'eau qu'elle remarque finalement, se désaltère et vous écoute patiemment. Elle semble prête à vous répondre, mais votre demande la laisse perplexe, et quelque peu attristée par la situation.
Elle sourit, semblant se calmer petit à petit. Votre voix l'apaise, votre volonté à l'aider la rassure.
Confuse, elle porte quelque peu attention au spectacle qui se déroule sur la place, laissant échapper un air mélancolique. Elle se désaltère à nouveau, tout en souriant aux quelques commentaires des bardes alors qu'ils changent de sérénade.
À ces mots, la jeune femme triture ses phalanges entre elles tout en marchant, ne sachant pas quelle démarche adopter en une telle situation. Elle s'avance, contourne les murs de la taverne pour vous mener jusqu'à une ruelle résidentielle, dont elle vous désigne la première maisonnette. Elle ouvre la porte et vous laisse observer les dégâts ; le vase est bien là, au fond du salon, accolé à la cheminée. Elle referme la porte derrière vous, sans la verrouiller, et vous vous retrouvez seul à seule.
Elle reste là, près de la porte, continuant de triturer ses phalanges et les quelques bijoux de fortune qui jonchent ses poignets.
La pièce est sombre, seule les quelques rayons de soleil filtrant à travers les rideaux éclairent les meubles et la maigre décoration de la salle.
Vous alliez vous retourner, vous vouliez voir l'horreur sur son visage, la culpabilité se dessiner sur ses traits. Mais au lieu de cela, elle se mit à pleurer, et trois personnes sortirent de l'ombre. L'un provenant de la pièce adjacente, l'autre se releva simplement du siège que vous n'aviez pas vu, dans le coin de la pièce, dissimulé dans l'ombre, et le troisième par la porte face à vous. Dagues sorties, des assassins en quête d'une prime très certainement, vous n'aviez d'autre choix que de faire face à votre destin.
L'un d'eux s'élança dans votre direction et tenta une percée vers votre abdomen, rapidement suivi des deux autres. La jeune femme se réfugia dans le coin de la pièce, tremblante.
Une frustration qui dévore vos entrailles à l'instant, qui vous pousse à vous démener pour trouver une faille, une porte de sortie, une opportunité à saisir dès que possible. Vos mains cherchent quelque chose à agripper, à utiliser contre vos assaillants, vous repoussez la lame pour qu'elle n'entaille que votre peau et vous vous en estimez déjà heureux. Votre dextre parvient à récupérer un tisonnier, que vous ne manquez pas d'utiliser pour repousser le premier ennemi.
Au cœur de votre poitrine, un tambour pulse. Une sensation qui vous procure une hargne sans pareille, une haine viscérale pour cette femme et ces trois adversaires. Elle se mêle à d'autres émotions, qui parviennent à vous aveugler ; un espoir vain, une trahison injuste qu'il vous faut éradiquer car vous ne méritez pas de mourir dans un taudis pareil. Battez-vous pour votre vie, Lothaire. Maintenant, plus que jamais.
Une voix rauque, dure résonne dans votre esprit. Hargneuse elle aussi, presque plus que vous en cet instant précis.
Les trois assaillants vous encerclent désormais, vous et votre tisonnier. La jeune femme se terre dans un coin, recroquevillée, comme forcée à regarder le spectacle qu'elle a engendré. Vous ne voyez que ces trois silhouettes aux capuchons ornés d'un as de pique brodé noir sur noir. Quatre dagues affutées face à vous. La silhouette sur votre gauche s'avance, laissant échapper un cri de fureur lorsqu'il vous poignarde le bras.
La rage de vaincre vous habite ; quoiqu'il vous en coûte, ils tomberont avec vous. Du moins, c'est ce que vous vous répétez sans cesse. Vous empoignez fermement votre tisonnier et tentez diverses approches ; quitte à vous battre avec vos propres dents, ils ne s'en sortiront pas vivants.
Alors que votre sang se déverse sur le plancher du cabanon, que les poignards s'invitent dans la chair de votre flanc et que vos cris résonnent jusqu'au-delà du possible, vous enfoncez votre tisonnier le plus profondément possible au travers l'œil du premier assaillant. Ce dernier traverse l'orbite et se plante à même le crâne de l'affreux qui, bientôt, tombe raide sous vos pieds.
Plus que deux.
Votre agitation, mêlée à l'adrénaline hurlant depuis votre poitrine, vous permets d'esquiver et de rediriger les coups portés à votre égard. Les deux autres ne réagissent pas à leur compagnon tombé au combat ; mais leur fureur se fait plus rude encore, plus agressive. Quelque chose vous dit que ce retournement de situation les a peut-être rendus bien plus dangereux.
Ce ne sont pas des assassins de bas étage. Leurs techniques sont précises, leurs mouvements millimétrés et leur agilité tout bonnement impressionnante. Vous remarquez, du coin de l'œil, que le capuchon du cadavre que vous venez d'envoyer paître est tombé. Un visage blême, aux multiples cicatrices. Ils n'en sont pas à leur coup d'essai.
L'un se glisse dans votre dos, l'autre balaie votre jambe d'un revers du pied et vous voilà à terre, dos contre le bois. Vulnérable, maintenant plus que jamais. L'assaillant se redresse pour s'asseoir sur votre corps meurtri, une dague pointée vers votre cœur.
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