Vous relâchez votre pinceau sur la palette, grommelant quelques jurons dans votre barbe tout juste naissante, tandis que vous décidez de faire un tour dans votre atelier. Faire les cent pas, écraser votre chevelure de vos paumes tandis que vos yeux basculent de toile en toile, incapable de trouver la raison de votre incompétence passagère. Aussi frustrant que cela pouvait être, il ne vous fallut qu'une seconde pour vous rendre compte d'une chose :
Noir et blanc.
La toile que vous veniez tout juste de peindre, que vous n'aviez quitté des yeux qu'une seconde, pensant que le choix des couleurs était vraisemblablement la chose qui donnait ce ton fade à votre œuvre... était désormais dénuée de verdures. Ou peut-être l'avait-elle toujours été. Soudain, vos souvenirs s'entremêlent, votre raison défaille et vous ne parvenez plus à vous remémorer à quoi ressemblait la toile avant que vous ne lui tourniez le dos.
Un son pour le moins étrange. Un couinement, peut-être même celui d'un rat - pensâtes-vous alors. Mais d'où, exactement, venait-il ?
De nouveau, la petite chose s'exprime. Vous tendez l'oreille, penchez la tête sur le côté dans l'espoir d'en apercevoir un bout... Et celle-ci se dévoile d'elle-même. La voici qui sort d'un coin de la pièce, détalant à toute vitesse vers les autres toiles encore posées sur leur piédestal. Elle grimpe en un éclair et s'accroche de ses petites pattes à la toile ; vous observe de ses yeux globuleux.
Un lézard ? Non... Un caméléon ? Non, toujours pas... Qu'est-ce que cette chose ? En quelques secondes seulement, cette petite créature change de forme et de couleur ; elle altère la forme des oreilles, de sa queue de lézard, et même la forme de ses iris ! Seraient-ce... des cœurs, à l'intérieur de ses prunelles ? Il remonte sur le haut de la toile et s'agrippe de ses pattes minuscules, vous fixant du regard ; bien que son expression faciale soit étrange, vous jureriez le voir sourire. Il sautille sur place, comme s'il fêtait cette nouvelle rencontre ! L'air adorable qu'elle présente ne peut pas être ignorée...
Il semble vous appeler. Vous demander d'approcher. Vous ne comprenez pas un piètre mot de ce qu'il vous dit mais l'attitude qu'il aborde vous force à le comprendre.
Vous vous retrouvez sur une plaine grisâtre, l'herbe sous vos pieds nus vous caresse la plante et vous humidifie de sa rosée, le soleil levant face à vous est dénué de couleurs ; tout de blanc vêtu, l'entité solaire ne perd pourtant pas une once de sa splendeur. La forêt au loin est noircie, monochrome ; comme si les couleurs n'avaient pas suivi le mouvement. Une seconde d'admiration vous prend, avant que vous ne compreniez que ce paysage ressemble à votre peinture.
Le même paysage, les mêmes détails, en plus réaliste tout simplement ; voilà qu'Iggy se fraie un chemin depuis l'arrière de vos genoux jusqu'à ces quelques mètres plus loin, gambadant dans la plaine. Il couine de nouveau, sautillant tout en se retournant vers vous, et votre regard le suit pas à pas. Soudain, vous constatez que l'herbe sous les pattes de cette petite créature se teint d'un vert jamais vu auparavant. Une couleur fraîche, agréable et surtout, emplie d'émotions, ce à quoi vous vous trouvez forcément sensible.
La petite créature continue son bout de chemin quelques mètres plus loin, et voilà que des fleurs naissent et poussent à même le sol, pleines de rouge et d'orange, de violet et de rose. Il semblerait que la petite créature vient à créer la couleur dans ce monde monochrome aux airs ternes ; il semblerait même qu'il sache embellir le paysage.
Le voilà qui revient en courant dans votre direction et se met à grimper à vos vêtements, pour venir se poser sur votre épaule.
Vous entamez la conversation avec la petite bestiole qui sautille de joie sur votre épaule en guise d'affirmation. Petit à petit, vous commencez à comprendre le langage de la créature - aussi, son expressivité vous facilite grandement la tâche. C'est une petite boule d'énergie et d'amour qui se trimballe sur vos épaules.
Toutefois, celle-ci s'empresse de descendre de son perchoir pour venir effectuer un salto en direction de la plaine. La voilà qui lévite un instant, au beau milieu de ce champ de fleurs colorées, et une onde de couleurs s'échappe de son corps. Cette onde vient caresser les feuillages, frapper les troncs des arbres aux abords de la forêt et s'envole jusqu'aux cieux. D'un coup, d'un seul, l'entièreté du tableau se trouve gorgé de couleurs chatoyantes.
C'est un véritable succès. Vous observez tout autour de vous, contemplant ce merveilleux spectacle tandis que la petite créature se met à courir en direction de la forêt. Vous la suivez sans hésitation, mais ralentissez à la vue d'une étrange barrière transparente, aux reflets bleutés. Une sorte de champ de force qui s'étend de parts et d'autres du paysage.
Devant vous, la petite créature traverse ce champ de force.
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