Tu sens poindre un semblant de sommeil. Tu sens la chaleur s'échapper, glisser sous ton derme comme si l'on t'ôtait d'un bien précieux ; tu sens la brise s'écraser contre ta peau. Anesthésiée par le froid, tu te dis que peut-être, l'endroit n'est pas idéal et tu risquerais de ne pas passer la nuit. Mais qu'est-ce que le confort quand tu as la possibilité de contempler quelque chose d'aussi doux qu'un ciel étoilé ?
La nuit est tienne.
Alors que tu pourrais prendre peur et partir chercher un nouveau refuge, tu n'en fais rien. Malgré le froid, malgré cette incertitude grandissante dans tes entrailles, tu te sens apaisée. Protégée. Précieuse, comme si l'air ambiant te rappelait de bons souvenirs, comme si tu n'avais pas besoin d'avoir peur. Comme si on veillait sur toi.
Cette impression devient, peu à peu, une sensation. Une sensation qui se transforme à son tour en certitude.
Jusqu'à ce que cette certitude prenne vie.
Un voile aux reflets de verdure lumineuse apparaît face à toi. De fines particules qui se rejoignent, pour créer ce que tu devines être une silhouette. Ses formes se définissent petit à petit, jusqu'à ce que tu aies devant toi une véritable forme humaine. De longs cheveux de lumière dont les mèches voltigent, non au gré du vent, mais comme emportées par le flux de mana environnant. Cette forme n'a pas de visage, mais elle rend cette impression de protection réelle.
Un être de lumière. Une véritable apparition divine. Tu n'en crois pas tes yeux. Elle s'approche pas à pas, l'air sereine, et prend place face à toi, s'asseyant à même le sol, foulant l'herbe de ses pieds à la forme subtile. Elle t'observe un instant ; le silence vous entoure, une brise vient soulever ta chevelure et tu remarques qu'un aigle qui volait au loin s'est décidé à venir se poser près de vous. Directement sur l'épaule de cet être de lumière par lequel tu te retrouves fascinée.
Tu observes davantage. Non, cette voix n'est pas celle de l'être de lumière qui te fait face. L'aigle tourne la tête, t'offrant alors un regard insistant.
Le corps engourdi par le vent et la fatigue, elle laisse son esprit divaguer vers le néant et l’indicible. Le froid est furieux contre elle, et semble avoir à cœur de punir ses dernières exactions. Il ne lui reste plus qu’à grelotter, et attendre que l’aube se décide à disperser le danger. La peau de bête trouée sur ses épaules, ses forces s’amenuisent et son regard déjà vitreux perd un peu plus de son éclat.
Lorsqu’une lumière s’impose finalement à elle. Son premier réflexe est de tourner le regard et se couvrir les prunelles par peur qu’elles ne fondent face à l’intensité du halo. Elle souffle et se redresse, rapprochant ses genoux de sa poitrine tandis qu’une main tape le sol à la recherche de son épée ou de sa dague.
Puis elle écarte doucement cette même main, et remarque que cette lumière ne la brûle pas, que plutôt elle la réconforte et la berce dans une étreinte qui ferait presque disparaître le froid.
Ça y est, je suis passée de l’autre côté ? Suggère-t-elle d’un murmure, s’attendant à voir surgir de cette lumière aveuglante les arches dorées postées à l’entrée de l’autre monde. Elle observe le phénomène d’un œil incrédule, son être ne tremblant non plus de froid, mais d'incertitude.
Ses mains s’entrechoquent alors dans un grand éclat, se pincent entre elles dans l’espoir de dissiper le quelconque rêve étant à l’œuvre. Malgré tout son acharnement, ses tentatives sont bien vaines, et sa réponse ne consiste qu’à gommer un peu plus de l’espace qu’elle occupe en se reculant.
Ada & L'Ordre (et le petit aigle)
L'aigle tourne la tête de l'autre côté, tandis que l'être de lumière reste immobile. Tu crois voir naître une ligne colorée sur cette tête sans visage qui, bien vite, forme un sourire apaisant.
Les ailes battantes, l'aigle descend de son perchoir pour se poser plus bas, plus proche de toi, à tes pieds. De ses minuscules pattes, il s'approche, gambade jusqu'à toi et lève le regard vers le tien.
Son cœur s'accélère un peu suite à la réalisation que tout ceci était bel et bien en train de se produire. C'est avec vivacité qu'elle laisse son œil passer frénétiquement de l'aigle à l'être éthéré, toujours incertaine quant à la réaction qu'il lui faudrait adopter.
Hélas, l'appréhension est plus forte, et si elle ne montre aucun signe d'hostilité, s'empresse tout de même d'appuyer sur ses talons pour se reculer de l'oiseau majestueux. Elle l'observe alors d'un regard mélancolique, déçue à l'idée de ne pas pouvoir l'accueillir sur son épaule et partir à l'aventure avec.
D'une expression mêlant inquiétude et réflexion, elle dépose son menton au sommet de ses genoux rapprochés, alors trop en pamoison pour détourner le regard ne serait-ce qu'une seconde.
Ada & L'Ordre (et le petit aigle)
L'oiseau se met à piquer vers toi, fonçant sur ta personne comme s'il allait te percuter de plein fouet. La surprise te gagne, tu aurais pu tenter de te protéger de tes bras, appréhendant l'impact, mais il n'en est rien ; l'oiseau éclate dans une multitude d'étincelles avant même d'entrer en contact avec toi.
Soudain, tes paupières succombent à une fatigue passagère. Tu fermes les yeux, une sensation de chaleur parcourt ton corps et une vision s'offre à toi. Sa voix résonne en toi comme s'il venait tout juste de fusionner avec ton âme.
Tu te retrouves alors dans les yeux de cette étrange créature, tes ailes se déploient dans un grand bleu sous les rayons d'un soleil éclatant ; tu profites de la chaleur que te transmettent ces derniers à leur contact sur tes plumes. Et tu prends la direction de la forêt. La lumière ne te brûle plus la rétine, tu profites amplement de l'expérience sans mal, sans douleur. À l'approche de la forêt, tu piques entre les feuillages et tu parviens à rejoindre un bosquet plus modeste. Une sensation de liberté te parcourt, comme si plus rien ne pouvait t'atteindre ; emplie d'un bonheur que tu n'avais jamais connu jusqu'ici, tu te laisses porter au gré du vent.
Tes ailes se déploient davantage, tu laisses le courant t'emporter jusqu'à un rocher sur lequel un symbole est gravé. Une rune, différente de celles connues par le royaume, dans laquelle sont inscrits des glyphes inconnus.
La vision s'arrête à ces mots, tu reprends conscience et tes paupières s'ouvrent de nouveau. L'être de lumière t'observe encore, ce sourire est toujours présent et semble te réconforter après une telle expérience. Mais l'aigle, ainsi que sa voix, ont disparu.
Le petit aigle s’éloigne enfin, mais le soulagement est de courte durée, car ce qu’elle méprend pour une fuite est en fait une prise d’élan. Avant qu’elle n’ait le temps de protester, l’oiseau se désagrège en une myriade de particules enchantées se confondant à sa propre silhouette.
Ada pique du nez, comme soudainement rattrapée par le sommeil qu’on venait de lui faire oublier. Son esprit divague et sa conscience glisse, guidée non plus par sa volonté, mais celle des voyageurs ayant fait escale à son coin de paradis.
Elle se voit alors voler par-delà la cime des arbres, plus proche des nuages cotonneux que de la terre labourée par les bêtes nocturnes. Elle voit le soleil se lever, peut contempler pour la première fois de sa vie la beauté d’un lever de jour. Puis sa vision s’incline, et tout s’accélère. Voilà qu’elle virevolte entre les arbres, bousculant un feuillage tranquille depuis des lustres à son passage. Elle sent le vent secouer son échine, les vibrations de la vitesse dans ses membres, l’exaltation d’une liberté retrouvée, d’un bonheur irréprochable qu’elle n’aurait jamais espéré côtoyer.
Alors qu’elle commençait à peine à s’habituer à cette expérience dépaysante, l’immersion s’achève et Ada revient à elle avec la délicatesse d’un sursaut nocturne. Son cœur se heurte à sa cage thoracique, et son souffle se coupe.
Les yeux rougis par l’émotion et l’adrénaline, elle pose une main entre ses sourcils pour soutenir sa tête alourdie par trop de pensées chaotiques. Une larme lui échappe tandis qu’un sourire naturel fait son apparition sur son visage d’albâtre. Il est des souvenirs que l’on sait impérissable, même sitôt vécus, il est certain qu’elle se souviendra de cette incursion merveilleuse toute sa vie.
Ada & L'Ordre (y'a plus le petit aigle :()
Belle âme, la vraie question est : qui es-tu ?
L'être éthéré qui se trouve face à toi ne semble pas être pourvu de parole, contrairement à celui que tu as rencontré plus tôt. Tu remarques chez cette silhouette une sensation nouvelle, encore différente de celle que l'aigle te permettait d'entrevoir. Patience, calme, tu sens que tu n'as pas besoin de te précipiter.
Tes doigts se rapprochent dangereusement de la silhouette étincelante. Cette lueur qui n'abîme en rien ta rétine, elle t'attire bien au contraire. Tu t'approches davantage, jusqu'à ce que ta main passe au travers de cette dernière ; que ce sourire s'étire encore. À son tour, l'être de lumière vient poser une main sur ta joue. La sensation de toucher est inexistante, mais la chaleur bien réelle. Tu profites de cet instant pour te blottir contre cette sensation.
Une voix retentit, cette fois-ci au creux de ton esprit.
Le visage de l'être éthéré se mouvoie au rythme des paroles. Elle ne daigne pas répondre à tes questions, mais elle te rassure au mieux ; aussi énigmatique que cela puisse être, tu te surprends à croire cette chose sur parole. À ces mots, la silhouette que tu tentais toujours de toucher se réduit petit à petit, prenant alors la forme d'une minuscule boule de lumière. Elle virevolte devant tes yeux ébahis, avant de prendre une autre direction.
Elle avait déjà entendu qu’elle était maudite. Que c’était un monstre même. Qu’elle était bonne à rien, voire vouée à mener une vie de larcin, ou de parjure. Jamais, en revanche, n’avait-elle entendue qu’elle était bénie, et plus encore : jamais elle ne l’aurait cru possible.
Pour autant, elle ne ressentit que de l’honnêteté dans cette déclaration pour le moins surprenante. Était-ce possible ? S’était-elle attirée les faveurs de quelqu’un ? Mais de qui ? Les choses qui la rendaient spéciale étaient les mêmes choses qui la coupaient du reste du monde, si elle pouvait concevoir qu’on s’intéresse à son potentiel, elle ne suspectait guère que l’on s’attarde sur son comportement, et sur ce qu’on pouvait bien découvrir par-delà les battements de son cœur.
Elle n’aurait aimé jamais avoir à s’en séparer.
Il ne lui restait plus qu’à espérer qu’il ne s’agissait pas d’un simple rêve.
Désormais pleinement conquise et gagnée à la cause des voyageurs éthérés, elle n’eut que bien peu d’hésitation lorsque l’être de lumière se changea en feu follet et se rua dans une direction après avoir accaparé son attention.
D’une main rapide, elle agrippa ses armes et les laissèrent pendre de son épaule, suivant la lumière incandescente, peut-être jusqu’aux confins du monde.
Ada & L'Ordre (y'a plus le petit aigle :()
L'Académie.
Plus précisément, jusqu'à ses portes...
Juste avant de tomber dans l'oubli et de disparaître sans laisser de trace.
Une dernière parole, un dernier murmure avant qu'elle ne te laisse pour de bon.
Te voilà seule, sans cette peau de bête pour te couvrir. Tes bras viennent se consoler mutuellement, frottant ta peau pour te protéger du froid qui soudain, revient à la charge. Au plus près de la porte, c'est une longue robe bleutée qui se tourne vers toi ; une femme dont tu reconnais l'appartenance rien qu'à la carrure. Elle s'approche de toi, trottinant pour braver le vent glacial.
La voilà qui t'enroule de sa cape et place son bras autour de tes épaules, t'amenant au plus près des portes.
Le froid s'échappe de nouveau de ses lèvres cisaillées, et tout son être se met derechef à trembler. En un instant, son visage paraît de dix ans plus âgé, alors privé du bonheur irréprochable qu'elle commençait à effleurer des doigts. D'un profond soupire elle secoue ses épaules, le cliquetis de ses armes se rappelant à elle comme un souvenir bien amer. Elle ne remarque pas l'immense édifice face à elle avant que la voix bien aimable d'une dame ne l'extirpe de ses songes confuses.
La tête basse, elle n'arrive plus à réfléchir, à détacher son attention de cette pierre gravée, des mots mystérieux et de la perspective d'une vie différente. Finalement, c'est avec un semblant de détermination sur le visage qu'elle inspire de nouveau l'air vicié de la ville, ses mains serrées essayant de lui conférer assez de courage pour braver l'interdit.
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Elle s'arrête soudainement lorsque ses iris croisent les tiens. Ta voix se fait basse mais elle parvient à comprendre ce que tu murmures ; cependant, elle ne semble pas écouter ta demande... Elle paraît concentrée sur autre chose, comme intriguée.
Les yeux rivés sur toi, elle porte une main à ton front. Sa main s'illumine d'une faible lueur, tout aussi réconfortante et chaleureuse que celles que tu as connues un peu plus tôt. Une expression de surprise s'étend sur ses traits.
De sa paume dirigée vers l'édifice, elle ouvre les double-portes sans même avoir à les toucher. Ces dernières révèlent un long couloir aux décorations luxueuses, insolites et curieusement agréables. Des artefacts, des tableaux, des vitrines emplies de petites babioles qui attisent ton attention.
Elle t'emmène de son bras à l'intérieur de l'Académie.
Son visage se fait plus ferme, mais plus rassurant à la fois.
Elle observe cette curieuse demoiselle, un soupçon d'admiration bien caché derrière ses prunelles livides. Ne sent-elle pas le danger, pour s'approcher ainsi de moi ? Pense-t-elle. La magicienne semble effectivement imperméable au doute, plus attachée au respect du règlement intérieur qu'à sa propre sécurité.
Les mains d'Ada deviennent moites et son cœur s'emballe comme à chaque fois qu'il lui faut prendre une décision importante. Des frissons continuent de lui parcourir le corps, lequel est au moins autant engourdi que le flot de ses pensées. Elle hausse alors d'une épaule, faisant cliqueter ses armes empilées à la hâte.
Songeuse, elle pose une main au niveau de sa poitrine, pile là où l'aigle s'est fragmenté.
D'un pas, elle avance vers ce nouveau chapitre de sa vie.
Ada & L'Ordre (y'a plus le petit aigle :()
Une dame silencieuse et un petit aigle ? Voyons... Ne sois pas sotte.
Elle laisse échapper un rire, à la fois serein et hésitant, puis te faire monter les nombreuses marches des escaliers du grand hall. Elle t'amène jusqu'à ta chambre et prend le temps de t'expliquer toutes les formalités : l'heure du petit-déjeuner, le couvre-feu, les couvertures dans le placard, l'heure des cours et ceux qui te sont dédiés... Tout ce qu'un apprenti mage a besoin de savoir dès son arrivée ici.
Ta sauveuse prend le temps de t'installer et, une fois ceci fait, retourne vaquer à ses occupations ; te voilà désormais seule, dans cette chambre où il fait tout aussi chaud que dans ta vision. Il est tard, la fatigue te prend de cours ; tu enfiles une tenue plus confortable, heureuse de pouvoir désormais dormir dans de vrais draps, sur un vrai matelas... quand ton regard est attiré par quelque chose de lumineux, provenant du miroir.
La petite boule de lumière qui t'avait quitté plus tôt s'infiltre par la fenêtre entrouverte ; tu te tournes vers elle, pensant pouvoir lui demander où elle était partie, mais au lieu de cela... celle-ci vole jusqu'à ta poitrine, s'enfonçant dans ta peau comme le petit aigle l'avait fait plus tôt. Une sensation de chaleur intense te fait frissonner, se transformant peu à peu en démangeaison.
Tu t'approches du miroir, souhaitant examiner la chose.
Au creux de ta poitrine, tu découvres deux runes entremêlées. Une orange et une verte ; des signes que tu ne reconnais pas, totalement différents des runes liées aux écoles de magie que Havrecoeur connaît si bien. Si tu n'as pas encore de réponses à tes questions, tu es sûre de pouvoir en obtenir en trouvant la grotte dont parlait le petit aigle un peu plus tôt...
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