Fier guerrier, dévoué et loyal, il n'est pas dans vos habitudes de questionner l'authenticité d'une mission, surtout lorsque celle-ci arrive à votre porte, vêtue du sceau royal. Pour autant, quelque chose vous tracasse avec cette requête précise, un on-ne-sait quoi, qui vous rend suspicieux, et fait battre votre cœur un peu plus vite qu'à l'accoutumé.
Une inspection ?
Allons, ce n'est pas digne d'un capitaine. N'ont-ils pas quelques bleusailles à bizuter, plutôt ? Votre temps est précieux, et vos ennemis ne se trouvent certainement pas dans les souterrains miteux. Non, vous, c'est après les Abysses que vous en avez.
Vous quittez l'enceinte de Havrecoeur pour vous rendre à l'orée des murailles, non loin du village d'Eden. Bien que vous soyez encore en terre consacrée, votre attention se décuple dès lors que vous passez la grande porte. Vous savez que, à part votre épée, plus rien ne vous protège vraiment à partir d'ici. Vous vous éloignez encore de quelques mètres, et ce jusqu'à ce que la lumière du village ne soit plus qu'un halo lointain.
Vous observez alors ce qui s'étend devant vous. Un tunnel duquel émane une odeur nauséabonde. Il ne s'agit pas exactement de l'entrée des égouts de la ville, plutôt un vestige de l'ancien temps que les miséreux ont reconverti en foyer. Vous savez que seul le besoin le plus extrême et impérieux peut amener un homme à se perdre là bas. C'est un lieu où la loi ne s'applique pas toujours, et où l'on peut rencontrer quelques quidams bien peu recommandables.
Puisque le devoir vous appelle, vous faites signes à vos hommes de vous suivre, et vous entrez ensemble dans ce tunnel. Vous avez amené quelques torches avec vous, et vos armes ne sont pas bien loin de votre main. Votre mission est la suivante : Vous enfoncer dans ce tunnel et rassurer Sa Majesté quant à quelconque activité félonne.
Une nouvelle mission frappée du sceau royal, voilà qui a de quoi motiver n'importe quel soldat. Mais c'est une cible assez proche, et on nous y envois avec peu d'hommes, serait-ce une suspicion de présence abyssal ou même d'un culte interdit proche des murs ? Mon instinct me dit d'être prudent et en même temps j'ai envie de prouver mon efficacité en pliant tout d'un grand coup d'épée ! J'attrape Croc de Lune à deux mains et admire son tranchant avant de la ranger dans le dos, pour me diriger vers la sortie de la ville. A mesure que les lumières citadines s'éloignent mon esprit ne cesse d'imaginer ce qui m'attend et je commence à envisager le pire. J'apaise mes doutes et mes craintes face aux retrouvailles avec mes gars habituels. Je regarde un instant l'entrée du lieu indiqué dans la lettre, avant de leur porter à chacun une poignée de main franche et puissante.
"Salutations camarades, content de vous avoir à mes côtés pour cette mission, allumez vos torches et restez sur vos gardes. J'activerais un sortilège pour rester en alerte, par contre nous ne pouvons avancer armes sorties si nous croisons des âmes innocentes. Nous allons devoir la jouer fine, si vous avez un seul doute sur le danger qui pèse sur vous je vous donne carte blanche sur la méthode."
Je les mènes vers la lumière lointaine, torche en mains le pas assuré et le dos droit, autant faire bonne impression au premier regard si des âmes errantes sont venues trouver un foyer ici. Même si j'ai un très mauvais présentiment ça va me forcer à garder mon sort "Sur le qui-vive" actif, au moins je pourrais me placer comme bouclier en cas d'urgence.
Vous prenez également la décision de déployer votre sortilège, et laisser votre magie surveiller vos arrières à la place de vos soldats. Une décision logique, qui pourrait toutefois se retourner contre vous si l'inspection venait à tirer en longueur, et qu'au moment opportun, votre mana venait à manquer.
Ainsi, vous vous enfoncez dans le tunnel en direction de la lumière que vous devinez être celle d'un cierge. Vous avancez, et bien vite l'air devient vicié, gorgé de crasse et d'autres choses auxquelles vous préférez ne pas penser. Il y a tant de poussières et de particules en lévitation que vous avez parfois l'impression d'affronter le brouillard, à l'exception que celui-ci ne porte pas le vent frais et revigorant de l'hiver.
Tandis que vous approchez du cierge, vous observez à votre gauche le chemin que vous auriez pu emprunter, et votre cœur se serre. Il y a bien plus de sang que ce que vous aviez entrevu. Un sang poisseux qui ruisselle lentement le long de la paroi, collant et visqueux comme une glue laissée au soleil, vou--
Les soldats occupent alors l'espace, chacun regardant dans une direction précise. La main sur la fusée de leurs épées, ils échangent quelques mots en chuchotant.
Dans le même temps, votre magie susurre à votre attention que, là bas, dans la pénombre, des bruits de pas se font entendre. Le clapotis de l'eau, des pieds déchaussés, une allure rapide et paniquée. Quelqu'un se trouve plus en avant, à un virage de votre groupe.
Mon esprit se focalise sur la présence au fond du couloir, je ne peux m'empêcher de tirer ma lame même si mes mouvements risquent d'être raccourcis par l'endroit. Comment se fait-il qu'un tel amas de sang ne fasse pas fuir le dit vieux ? Folie ou maladie rien ne me retiendrait dans un tel endroit, et mes soldats non plus. Je lance quelques pièces au vieux avant de donner les directives et les informations aux autres.
"Une personne après le virage au bout du couloir, pieds nus et stressée. Dites moi vieillard pourquoi restez vous ici à coté d'un couloir tapissé de sang, avez vous des amis ici ou une présence qui vous empêches d'aller plus loin ? Répondez vite, l'armée est dépêchée ici pour enquêter sur la zone nous pouvons aussi vous exfiltrer et vous offrir un refuge."
Mes mains se contractent sur le manche de la lame, mon instinct me dit d'achever cette vieille personne décrépie, mes soldats ont raison nous sommes visibles et la lumière est bien trop vive. Pourquoi mon esprit est-il aussi agité, je suis censé garder mon calme et écraser les obstacles sans quoi je ne mérite pas mon grade. Bordel je dois me ressaisir ou les gars vont me lâcher.
"Qu'on ne garde qu'une torche allumée au milieu de la marche, je prend la première ligne avec un soldat, l'autre ferme la marche et couvre la torche."
Le vieil homme par terre glapit, son inquiétude trahie par un cri aigue et incontrôlé. Il se recroqueville un peu plus, n'osant pas vous regarder droit dans les yeux. Les pièces tombent à côté de lui, mais la peur est plus forte que l'avarice.
Aussitôt, vos hommes reprennent de leur contenance et suivent vos directives. Une seule torche, une formation en colonne, tous les angles sont couverts et aucune place n'est laissée à la surprise. Vous formez certes une masse opaque de soldat, mais vous adoptez une posture défensive de rigueur, surtout dans ces endroits malfamés du monde.
Dans le même temps, les bruits de pas agités s'affirment, et, à cause de l'obscurité imposée par votre prudence, vous ne remarquez que trop tard qu'une silhouette pointe le bout de son nez, à l'autre bout du tunnel. Une jeune fille, aux cheveux maculés de terre glaise, qui vous regarde avec des grands yeux. D'un doigt, elle désigne brièvement chaque soldat, comme pour en faire le décompte. Sans attendre, elle repart alors en courant dans l'eau, les clapotis rapides et réguliers trahissant sa vitesse.
Comment ça une petite fille... Le stress m'a fait perdre tous mes moyens je n'ai même pas fais des hypothèses rationnelles avant de donner mes ordres. Le vieux ne m'est d'aucune utilité et je préfère ne pas prendre le couloir plein de sang sans une once d'information.
"A ses trousses ! Si un humain de taille humaine sort une arme contre nous neutralisez le de façon non léthale qu'on puisse le faire parler. Ne faites pas de mal à la petite sinon c'est à moi que vous aurez à faire."
Malgré le poids de mon arme je tente de garder la tête du peloton, dès que je serais en mesure d'attraper cette petite je la prendrais sous le bras.
Vous avez à peine le temps de lancer un regard dans sa direction que vous voyez la silhouette de votre confrère soldat disparaître. Il tombe au sol et soulève dans sa chute un nuage d'eau croupie. Sur son abdomen, un homme au visage émacié, fendu par les cernes. Il essaye de poignarder le soldat avec un couteau de fortune aussi émoussé que rouilleux.
Le soldat se débat autant que possible, mais son armure le désavantage plus qu'autre chose. De l'eau rentre parfois dans sa bouche, vous l'entendez appeler à l'aide, ou plutôt crier quelques choses inaudibles à qui voudra bien l'entendre. A côté de vous, le soldat à la torche vacille en même temps que la flamme. Que faire, que faire ?
La petite fille s'apprête à disparaître sous une arche particulièrement vaste donnant sur une succursale du tunnel. Vous voilà à la frontière entre l'appel du devoir, et l'appel de la fraternité.
Si vous partez vers elle, vous avez la certitude de la rattraper. Vous aurez également la certitude de condamner le soldat.
Faire le vide dans son esprit, prendre une grande inspiration et la retenir le temps d'un instant pour faire le bon choix. La vie de ses hommes importe plus que tout et je ne serais pas digne de mon rang si jamais je devais faire mon rapport en sortant les pieds devants ou en portant les corps de mes hommes. C'est décidé, miséreux ou non ils ont fais le choix de la violence.
"Un peu de nerfs dans les rangs ! On se ressaisis face à ces édentés. Massacrez tout ceux qui osent porter la main sur les soldats du royaume, faites des exemples et montrez leur comment on tapisse un mur de sang dans l'armée, je ne vous laisserais pas la vie de mes soldats après avoir tendu la main à l'un des vôtres, misérables."
Je dégage d'un grand coup de botte dans les côtes le miséreux qui s'attaque à mon soldat avant de loger la pointe de ma lame au travers de son crâne, je toise le reste des miséreux un à un avant de reprendre ma route plus calmement vers le chemin qu'à emprunté la petite fille, me préparant à scinder chacun de leur corps en deux si ils osent se montrer menaçant.
Un moment de silence s'impose alors, et tous regardent la scène d'un air médusé. Ils en ont conscience : le cap a été franchi, la loi n'a plus d'emprise sur ce maudit lopin de terre.
Aussitôt éclate le chaos le plus complet. Tout le monde se bouscule et les injures fusent. Vos hommes n'hésitent pas à faire parler leurs lames, et les morts et blessés s'accumulent.
Votre progression est grandement ralentie par l'afflux morbide de pauvres gens rendus hystériques par l'effusion de sang. En un battement de cil, c'est plus d'une dizaine de forcenés, entassés dans cet espace exiguë et impraticable.
Vous perdez la trace de la fille, et pire encore commencez à craindre pour votre sécurité.
Vous vous débattez avec vaillance lorsqu'un homme particulièrement furieux agrippe votre bras. Vous plongez votre regard dans le sien, et remarquez que ses yeux sont presque noirs, livides. De la boue épaisse complètement noire s'échappe d'ailleurs de sa bouche, et un profond sentiment de mal-être semble flotter autour de lui.
Vous n'avez jamais rien vu de tel.
L'homme vous hurle au visage, puis tente de vous griffer. Bousculé contre le mur, vous remarquez bien vite que quatre autres hommes comme lui font leur apparition, et jaillissent en fait de là où se dirigeait la petite fille.
La colère vous monte aux yeux, vous savez pourtant qu'il est de votre devoir de garder votre calme et coordonner cet enfer. Un nouvel ennemi est apparu, vous devez en apprendre d'avantage.
Ah voilà le problème, ils semblent corrompus jusqu'à la moelle mais pourquoi les humains vivent ils à leurs côtés comme si de rien n'était ? Serait-ce un culte secret, une façon de posséder les miséreux pour en faire des gardes puissants, mais la fille semble chercher quelqu'un de plus important nous allons devoir nous occ-
Un soldat ? J'ai à peine eu le temps de couper l'un de ses gars en deux qu'ils m'ont fais disparaitre un soldat. J'ai les informations dont je dispose ils sont corrompus ou sous l'emprise d'une magie. Il est temps de récolter des informations et de laisser les gars rentrer, je vais essayer de les coucher à moi seul pour voir si une progression est possible, dans le cas inverse je sonnerais la retraite.
"Nous avons ce que nous voulons, faites en sorte que la disparition de notre frère ne soit pas inutile. Restez en formation vous trois je dois récolter des informations sur les plus agressifs, si vous me voyez en difficultés ou si j'en donne l'ordre nous partirons, gardez vos lames tirées et restez en vie c'est mon seul ordre camarades."
Je vais activer mon sort de Vulnérabilité, et couvrir les arrières de mes alliées tout en démolissant la face de ces pécores qui tentent de nous garder chez eux avant de rentrer boire quelque chose de frais.
Personne n'est surpris de votre efficacité au combat, et des corps qui s'amoncellent à vos chevilles. Ces miséreux ne sont pas des combattants, et vos soldats et vous adoptez une stratégie militaire et un positionnement pas loin d'être irréprochable. Quand ils comprennent que leurs efforts sont vains, beaucoup décampent, à l'exception des forcenés couverts de cette substance visqueuse que vous n'avez pas encore identifié.
L'idée d'en capturer un vous traverse l'esprit. Après tout, ne serait-ce pas le meilleur moyen de récolter des informations, loin de tout ce fatras qui menace votre sécurité ? Cette pensée vous rend curieux, peut-être motivé, même. Vous n'avez hélas pas le temps d'y songer, car la voix d'un confrère vous interpelle.
La seule piste est cet homme, encapuchonné, pâle comme un linge, qui court avec sous l'aisselle un bout de parchemin aussi long qu'une petite table. Il lance un regard vers vous, puis décampe à l'opposé. Il espère manifestement que la horde de malfrats dressée entre vous et lui suffiront à lui permettre de s'enfuir.
Le calvaire est bientôt fini, il vous appartient désormais de donner l'ultime ordre. Vous savez que poursuivre le fuyard sera particulièrement ardu, mais que capturer l'homme corrompu pourrait être inutile. Vous savez que la sécurité de vos hommes est primordiale, mais aussi que rentrer sans résultat sinon un massacre de civil, ce pourrait être synonyme de grands problèmes.
Bon, le replis est la seule possibilité je ne risquerais pas la vie de mes gars pour un culte qu'on peut dégager en revenant plus tard et plus fort. Il est temps de se concentrer sur ma tâche, je vais prendre le choix de couvrir mes hommes et leur retraite avec un otage sous le coude.
"Bon, repliez vous et emportez un des gars qui dégobille sa boue du matin sur nos armures, je vous laisse l'otage je couvrirais vos arrières. Si le plan vous conviens, exécution, si il ne vous plais pas c'est pareil."
Ma voix s'est emporté d'elle même, je me met à crier les ordres dans un couloir j'espère, espérons que les gars ne remarquent pas trop ma précipitation.
De nouveau à l'air libre, l'air frais emplit vos poumons et le poids sur vos épaules s'évanouit un peu. Vous en êtes sorti. Enfin. Pour l'heure, c'est tout ce qui compte. Vos accompagnateurs sont essoufflés, leurs épées émoussées et couvertes de sang. Un s'éloigne pour vomir, l'autre essuie la boue et la saleté qui maculaient son visage, l'autre envoie son poing s'écraser sur une paroi rocheuse par frustration. Au loin, vous entendez les cris hagards et furieux de la population du tunnel toujours en proie à une hystérie profonde. Vous n'êtes vraiment pas pressé d'y retourner, si vous y retournez un jour.
Alors votre otage se démène avec force, témoignant d'une fureur semblant accentuée par l'air frais. Comme s'il paniquait, il se tortille dans tous les sens jusqu'à briser votre poigne. Il se tourne vers vous, pose une main sur votre épaule, et vous vomis au visage. Vos hommes crient de stupeur et craignent que votre peau ne fonde, alors ils accourent l'épée au clair et plaquent l'individu au sol.
Pendant ce temps, au-delà du dégoût, vous êtes la proie d'une hallucination particulièrement retorse.
Vous ouvrez les yeux et remarquez que vous ne dépassez que bien peu la pointe des lames d'herbe. Comme si vous étiez un loup ou un renard, vous courez à toute allure au travers d'une forêt morne où la nature a complètement repris ses droits. Vous semblez reconnaître cet endroit. Vous vous éloignez et éloignez encore, toujours au travers des yeux de cet animal que vous incarnez apparemment. Vous foncez et apercevez au plus loin une excroissance dans le sol. Une tumeur nauséeuse et maléfique qui émane une énergie violette corruptrice. Votre coeur se serre, vos mains moitissent : vous savez reconnaître la présence des Abysses.
Le danger fait monter l'adrénaline dans votre sang, l'urgence est là. Tout s'assombrit et se fait dévorer par la désolation. Alors, vous voyez des formes blanches comme la neige s'agiter au vent. Des cheveux blancs, une silhouette masculine, des yeux bleus, un uniforme militaire. Cet humain, que vous n'avez jamais vu, attire votre attention et semble se dresser avec vous, seul face au nid abyssal.
Puis vous revenez à vous, présentement secoué par vos soldats. Ils vous beuglent dessus en craignant de vous avoir perdu à tout jamais. Sans douleur ni réaction excessive, vous reprenez vos esprits, sain de corps, d'infection ou de maladie. Décontenancés, ils vous observent, puis tournent le regard vers l'homme corrompu au sol lorsque celui-ci se met à crier.
Maintenu au sol par un de vos confrères, il rend un dernier souffle encombré et douloureux, le visage tordu par une douleur que vous devinez insupportable. Une fumée blanche et violette s'échappe de son corps qui semble déjà déshydraté, comme abandonné au soleil pendant un mois.
Votre vision vous hante, et vous y voyez un point de départ. Un endroit à trouver, une personne à chercher. Vous savez comment vous rendre aux abords de cette excroissance, et où débusquer la piste de cet humain qui vous est apparu. Des réponses vous attendent, capitaine, mais serez-vous assez courageux pour les saisir ?
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