Mais n'est-ce pas là l'occasion rêvée ?
Cette invitation stipule que la scène sera occupée par un groupe de musiciens de renom, dont vous ferez l'introduction ; votre voix pourra enfin être entendue par les plus grands de cette société. Quoi de mieux que ce genre d'occasions pour se faire connaître, aller chercher le nid de vos propres mains et vous y installer bien confortablement ? Peut-être même que la prochaine étape... serait de chanter pour la Reine en personne ?
...
Armée de vos plus belles parures et d'une coiffure digne de ce nom, votre masque acheté pour l'occasion, un garde vous accompagne jusqu'à la porte d'entrée. Gigantesque double-porte aux ornements dorés dont les cristaux témoignent du niveau de luxe, vous comprenez que cette soirée ne sera pas une simple promenade de santé ; il va falloir faire vos preuves. Tout donner pour plaire à ceux qui profitent de la vie que vous espérez obtenir.
Vous contemplez l'entrée... jusqu'à ce que ce garde l'ouvre pour vous.
...
Devant vous, une immense salle dont le plafond est décoré d'un sublime lustre à diamants. Des couples dansent, virevoltent au centre de la piste de danse, la musique enivre vos tympans d'une douce mélodie qui reflète vos rêves les plus fous. Un véritable conte de fées se déroule devant vos prunelles ; vous entrez, pas à pas, telle la Princesse que vous serez l'espace d'une nuit.
Méconnaissables. Riches. Puissants. L'heure est venue de monter sur scène, de vous préparer pour votre plus grand spectacle. Le temps d'une chanson, il vous faudra ébahir la foule.
Une valse s'amorce, les cœurs s'échauffent, une silhouette se démarque parmi tant d'autres. Tout de blanc vêtu, une lueur dans l'obscurité, cette personne vous observe du fond de la salle et, lorsque la chanson prend fin, vous applaudit tout autant que l'auditoire. Un masque loup orné de dorures, une prestance comme vous n'en avez jamais vu ; cette silhouette attire votre regard malgré vous et lors des derniers applaudissements, celui-ci s'arrête pour vous contempler.
Vous avez offert un spectacle émouvant, un succès réalisé avec brio comme beaucoup d'autres ; cette fois-ci pourtant, la satisfaction est bien plus présente. Sous ces nombreux masques se dessinent de nombreux sourires, de nombreux espoirs sont placés en vous. Le Joyau du Bal, certains s'expriment, d'autres murmurent ; c'est en descendant les marches que vous parvenez à épier quelques mots, quelques syllabes qui vous assurent une prestation de qualité.
Ce qui est sûr, c'est qu'ils ne sont pas prêts de vous oublier. Loin de là, Béroé ; vous êtes et resterez à jamais, dans leurs esprits, leur Joyau.
Vous vous avancez au centre de la salle tandis qu'un domestique vient vous apporter une coupe de champagne. Pendant que le groupe de musiciens s'installe derrière le rideau rouge, vous vous retrouvez seule face à ces regards admiratifs. Nul ne tente de vous approcher pourtant, et cela a le don de vous agacer. Le maître de maison s'invite sur le devant de la scène et se racle la gorge une fois, afin de récupérer l'attention de l'assemblée qui n'avait d'yeux que pour vous. Un sourire, quelques mots réconfortants, et voilà que son discours commence.
Les applaudissements reprennent de plus belle tandis que vous observez le maître de maison. Une révérence, quelques gestes de la main et le voilà déjà parti vaquer à ses occupations. Vous vous doutez bien qu'il ne suffit pas de chanter pour attiser la curiosité des grands pontes du dernier vestige de l'humanité... Il va vous falloir participer à ce fameux divertissement, n'est-ce pas ?
Tout à son propos témoigne de son appartenance à la Cour des Maîtres - le nom que porte l'assemblée de nantis organisant le bal auquel vous avez été généreusement invitée. Des gestes discrets, élégants, une parfaite silhouette à laquelle vous devinez une musculature mesurée, juste. Un gentleman comme il en manque tant en ce monde, qui vous porte une attention toute particulière. Il souffle des nasaux, témoignant de son amusement à votre entrée fracassante.
Sa voix est suave, aussi douce qu'un filon de miel. Grave, elle vous enivre tout autant que la vôtre charme le public. C'est bien la première fois que vous rencontrez quelqu'un d'aussi charmant, d'une telle prestance. Il vous offre son bras afin que vous puissiez glisser une paume sur ce dernier. Votre coupe de champagne à la main, vous profitez des derniers instants dans cette salle ; quelques invités se contentent de profiter de la musique qui débute alors, décidant de ne pas se prêter au jeu. Pour votre part, vous vous laissez guider par les pas de votre cavalier.
Il s'avance en direction de l'un des gardes, tenu de surveiller la salle de bal. Mais votre petit doigt vous dit qu'il n'est pas qu'une simple figure de décoration. Votre partenaire s'avance vers ce dernier, lui adressant un modeste signe de la tête avant de s'exprimer.
Le voilà qui, lui aussi, se prête merveilleusement au jeu. Et vous, alors ?
Il tourne désormais la tête vers vous, précieux Joyau à la voix charmeuse. Décontenancé par l'habileté de votre compagnon d'enquête, un sourire amusé au bord des lèvres, il consent à vous donner davantage d'informations.
Voici que le garde vous fait sa plus belle révérence et retourne vaquer à ses occupations, vous laissant seul à seule. Un serveur portant un plateau de coupes de champagnes passe près de vous ; votre compagnon en profite pour saisir l'une des coupes et la porte élégamment à ses lèvres rosées. Une gorgée plus tard, le masque de loup vous observe avec une attention toute particulière.
Il vous offre un sourire des plus majestueux. Séduisant, élégant, cet homme a tout pour lui et vous douteriez presque de votre légitimité à se tenir à son bras, en ce moment même. La Cour des Maîtres est un endroit bien fourbe, et pourtant vous êtes parvenue à vous frayer un chemin jusqu'à l'un de ses atouts les plus précieux, il semblerait. Un être doté d'une intelligence visiblement accrue, dont le maniement des mots est tel qu'il vous ferait concurrence, ce n'est pas tous les jours que vous en croisez. Vous commencez à comprendre les enjeux de votre présence ici ; saurez-vous vous hisser jusqu'en haut de la pyramide ?
Le salon. Telle est votre destination. L'homme qui se tient à vos côtés attire les regards, vous le remarquez tout le long du chemin ; les femmes se retournent, les hommes le toisent du regard, les serveurs le saluent comme d'autres nobles ici présents. Vous et votre partenaire sirotez votre coupe de champagne sans vous soucier de tout cela et bientôt, vous arriver sur la scène du crime.
Au beau milieu du salon gît un acteur, inerte. Vous êtes capables de discerner le mouvement de sa cage thoracique, signe qu'il n'est pas véritablement décédé et cela vous rassure tout de même - l'ambiance rendant l'expérience plus que véritable, vous auriez pu en douter l'espace d'un instant. D'autres acteurs se tiennent près du « cadavre », une femme tout particulièrement qui pleure, à genoux face à lui. Vous devinez à la marque maquillée sur son front qu'il est mort après avoir subi un coup violent, une mare de faux sang à ses côtés. Aucun signe d'une arme contendante dans les parages...
Il vous laisse vaquer à vos occupations, se dandinant d'ores et déjà au creux de la pièce, l'air de rien tandis que vous approchez la demoiselle en détresse. Celle-ci tourne le visage vers vous, la mine bouffie et les paupières grossies par les larmes. Quel jeu d'acteur ! Vous n'en attendiez pas moins de la Cour des Maîtres. L'ambiance, le décor, le maquillage et même les acteurs sont à la pointe de la perfection.
Elle pose une main sur la vôtre, posée sur son épaule, et vous observe avec une bienveillance que vous constatez immédiatement. Une voix entrecoupée de sanglots, un corps tremblant, elle pourrait presque vous émouvoir ; mais n'en fait rien. Elle vous laisse la détourner du corps et vous adresse un regard suppliant. Une jeune femme sans masque, comme tous les acteurs ici présents, dont la peau laiteuse vous donnerait presque envie de la cajoler. Elle vous répond, simplement.
Elle secoue négativement la tête en guise de réponse ; elle n'a besoin de rien, si ce n'est de son défunt père. Mais ça, vous le saviez déjà. Elle ajoute toutefois :
Elle sanglote à nouveau.
À ces mots, la jeune fille se jette dans vos bras ; vous ne vous y attendiez pas, mais celle-ci semble glisser quelque chose dans votre paume au même moment. Discrètement, elle vous octroie d'un regard à la fois compatissant et plein d'espoir. Vous balayez la scène du regard et comprenez aux expressions des différents invités ici présents, et ce malgré les masques sur leurs visages, que ces derniers n'ont pas réussi à obtenir de réponses de la part de cette fille. Peut-être avez-vous fait preuve de plus d'empathie ?
Vous ne prêtez plus attention au merveilleux inconnu qui vous accompagnait et lui faites confiance pour trouver quelques indices... Mais que comptez-vous faire, joli Joyau ?
Dans votre paume, un bout de papier que vous dépliez. Quelques mots seulement qui vous mènent à penser... que tout ça n'est pas si évident que cela en a l'air.
Votre compagnon de route observe à son tour le papier qui vous a été confiés, revenant bredouille de son excursion aux quatre coins de la pièce. Vous devinez une expression de surprise de sa part, principalement de par la forme de ses lèvres - aussi pulpeuses soient-elles, je vous vois en train de le dévisager, un peu de tenue, mademoiselle !
Mais alors qu'il comptait s'exprimer à ce propos, voilà qu'un groupe entre dans le salon, en trombe. Une femme d'un âge mûr et deux invités qui, vous croyez, sont deux autres enquêteurs s'étant mis en tête de prendre part au divertissement.
Les quelques invités ici présents s'approchent et, petit à petit, un cercle de confidence se crée. Tandis que la femme dégaine son plus beau tissu pour essuyer ses larmes et cacher son désarroi, les deux enquêteurs - deux hommes a l'air ahuris et aux crânes dégarnis - prennent la parole. L'un d'eux soulève un buste sur lequel vous apercevez une tâche de sang.
Vous en aviez presque oublié l'enjeu. Alors que vous étiez occupés à observer la pièce à la recherche d'indices et à interroger certains suspects, d'autres enquêteurs faisaient de même dans la pièce d'à côté. Il vous faut vous dépêcher d'aller interroger ce fameux majordome. Quelque chose vous dit que cette histoire n'est pas terminée.
D'un ton amusé, presque taquin, léger, il monte une à une les marches menant à l'étage. Vous parvenez enfin à trouver la chambre dudit majordome, la première porte de l'étage ; ouverte. Des murmures - ou des pleurs ? - sont audibles à même le couloir. Avançant prudemment jusqu'à l'entrée de cette nouvelle pièce pleine de secrets, vous découvrez le majordome ; un homme aux cheveux plus courts que de moyenne, brun et au costume quelque peu... souillé, par ce qui semble être un abattement certain.
Il vous tourne le dos, fait fi de votre présence et continue de marmonner. Ses bras ne trouvent pas de place adéquate, il se mouvoie dans tous les sens et semble, effectivement, très touché par la situation.
Une ouïe fine qui vous permet de comprendre quelques mots.
Ces derniers mots lui arrachent une nouvelle crise de panique. Les yeux vacillent, les mains s'agitent, la sueur perle sur son front. Comme s'il ne croyait pas cette éventualité possible : l'arme du crime, dans sa propre chambre ? Un trop-plein d'émotions qui bien vite se transforme en quelque chose d'affreusement marquant. De la colère, de la haine évidente, mais envers qui, et pourquoi ? Haletant, paranoïaque, il se prépare à se protéger. À fuir, si cela devient nécessaire.
L'homme qui se tient près de vous n'exprime aucune once de méfiance, il se laisse aller au jeu avec une aise invraisemblable. Un visage bienveillant, une voix suscitant l'accalmie, il rend possible l'impossible en s'approchant du majordome.
Son utilisation des mots est modérée, choisie à la perfection. Il gesticule lentement, vous désignant d'une main complète lorsqu'il parle de vous. Après un court silence, en constatant que le majordome s'en retrouve certes apaisé mais toujours peu enclin à vous dévoiler ses secrets, votre compagnon reprend.
Il désamorce, lisse et détend la furie du personnage se tenant face à vous avec habileté.
Il soupire longuement, par frustration peut-être, par abandon sûrement, avant de s'asseoir sur le bord de son lit. Le menton bas, les paupières plissées, il secoue négativement la tête ; désabusé par cette situation des plus désagréables, il prend une grande inspiration avant de vous exposer le problème tel qu'il le voit.
Ses paroles sont accompagnées de multiples mimiques désespérées, sa tête ne cesse de se dandiner de gauche à droite comme s'il refusait d'accepter le sort funeste qui l'incombait.
Soudain, il redresse le menton et vous offre son plus beau sourire. Depuis l'extérieur, vous entendez des cloches sonnant l'heure de la fin de l'événement. Il se relève, vous tend une main en guise de remerciement et vous tient quelques mots :
La voix à l'extérieur de la chambre se fait plus forte. « Bien sûr, vous n'avez pas eu le temps d'enquêter dans toutes les pièces du château, ni de discuter avec tous les suspects, mais cela fait partie du jeu... C'est-à-vous de déduire de la résolution finale, par vos propres moyens, et ainsi proposer votre propre théorie au maître du jeu... En attendant, rendez-vous dans la salle de réception ! Profitez de ce moment pour débattre avec vos partenaires respectifs. »
Il prend congé de l'acteur pour accueillir votre bras avec plaisir. Son sourire laisse de nouveau apercevoir sa parfaite dentition et il tourne la tête dans votre direction, plongeant ses iris aux couleurs chatoyantes au creux des vôtres, se mettant d'ores et déjà en marche vers la salle de réception.
Vous descendez les marches une à une et rejoignez bien vite la salle de réception. Tous les invités se sont rassemblés en un arc de cercle presque parfait, et le maître du jeu prend place au centre de la place. Derrière lui, tous les acteurs semblent avoir repris leurs personnages ; ils observent la foule, appréhendant le verdict. Le maître du jeu prend la parole.
Au lieu d'ajouter quoique ce soit ou de vous reprendre, votre partenaire de jeu vous adressa un regard tout à fait satisfait, même encourageant.
À ces mots, une autre main se leva et toute la foule se tourna dans sa direction. Un homme aux traits fins, au masque de lièvre, se racla la gorge avant de s'exprimer.
Les théories s'enchaînèrent, les débats débutèrent et quelques minutes plus tard, l'annonce de la révélation tant attendue fut énoncée. Un enquêteur, qui était en réalité l'un des acteurs de l'événement, se précipita dans la salle de réception en courant et fit entendre sa voix d'un cri autoritaire ; il se présenta face à la foule.
La femme et le majordome se jetèrent un regard empli d'angoisse.
Les voix s'élevèrent, le public s'exprima et aussitôt, il fit taire l'assemblée.
Il fit signe à la cuisinière de s'approcher.
Celle-ci, plutôt timide, répondit :
L'enquêteur reprit alors, lui coupant la parole.
Les actrices concernées se mirent à pleurer, se serrant mutuellement dans les bras. Lorsque la scène se termina, la foule applaudit en chœur et le maître du jeu sonna la fin de l'événement. Il vous remercia tous et toutes pour votre participation ; vous voilà désormais libres de vaquer à vos... occupations. L'homme près de vous vous lança un regard, empli de joie, derrière ce masque de loup.
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