Elia est une jolie jeune femme de 26 printemps à tendance sociopathique qu'un destin funeste et une vie faite de terreur et d'amertume ont rendu immunisée à toute forme d'émotion.
Obnubilée par sa quête d'immortalité, Elia est une personne à l'apparence froide et austère que seules ses expérience étranges parviennent à la sortir de sa torpeur.
Celui qui la rencontrerait pour la première fois serait alors frappé par son regard bleu qui n'est pas sans rappeler les lacs gelés au mois d'hiver.
Mais derrière cette tranquillité sereine se cache un esprit bouillonnant et vif dénué de tout remord et tourné vers une seule et même chose : vaincre la mort à n'importe quel prix !
Elia est une embaumeuse au sein de la Châtellerie de Havrecoeur, métier lui permettant d'être au plus proche des cadavres et de pouvoir poursuivre ses expériences douteuses.
Animée par la volonté de conjurer son tragique destin et d'échapper ainsi à une mort précoce, Elia passe ses jours et ses nuits à tenter de trouver le moyen de devenir immortelle en transformant son corps en cadavre animé.
Usant des pouvoirs acquits par sa rune Nécrotique, celle-ci dissimule ses activités à l'abris des regards dans l'ombre de son cabinet. Bien des clients ont loué le talent d'Elia pour rendre les corps de leurs proches décédés aussi présentables que s'ils venaient tout juste de s'endormir. Devenue célèbre dans la région, des clients fortunés se bousculent désormais devant la porte de son cabinet pour bénéficier de ses dons extraordinaires d'embaumeuse pour le dernier salut de leurs proches, ignorants l'origine sordide de ses " dons ".
Il arrive parfois que les visiteurs venus se recueillir dans le cimetière local découvrent avec stupeur une tombe ouverte à l'emplacement même de leur proche disparu. Ces évènements étranges ont donné lieu à la légende du " nécrophage d'Havrecoeur ", forçant les autorités à placer une garde de nuit pour capturer cette étrange créature responsable de la disparition des cadavres. Cela a bien évidemment mit un frein aux activités nocturnes d'Elia, qui en plus de son nouvel handicape ( voir histoire ) a de plus en plus de mal à trouver de nouveaux cobayes pour ses expériences illégales.
Danse, ma petite, danse.
Danse au plus profond de la nuit
Au coeur des vallées et des noires forêts
Sous les rameaux des arbres d’automne
Guidée par le souffle du vent
Danse comme si aujourd’hui devait être ton dernier jour
Car lorsque la musique cessera, la mort t’emportera.
S’il est des familles dont le nom seul peut inspirer dans le coeur des hommes la méfiance et la crainte, celui de Chanteloup est de ceux-là.
Originellement connue sous le nom de “ Chant du Loup “ que le temps et l’usage auront transformés en “Chanteloup”, cette famille au passé tumultueux aura été le terreau fertile à bien des contes d’épouvante et de ragots de taverne.
Parmi tous ceux qui en entendirent parler, nul ne serait en mesure de l’évoquer sans mentionner cette étrange malédiction qui semble frapper chacun de ses membres.
Condamnés depuis des générations par un destin funeste, dont les origines se sont perdues avec le temps, tous les membres se sont vus mourir durant leur trentième année sans raison apparente. Obnubilés par cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête, les Chanteloup passèrent leur courte existence à tenter de conjurer leur infortune. Nombreux furent ceux qui se tournèrent vers les arts alchimiques, et parfois occultes, pour parvenir à fabriquer un remède, un élixir de longue vie qui serait à même de les épargner. Hélas, tous connurent le même échec. Aujourd’hui il n’existe plus qu’un seul membre encore en vie : Elia Chanteloup.
Elia passa ses dix premières années à grandir au sein d’un foyer où tout ne tournait qu’autour d’un même sujet : la mort. Une vie sans joie. Sans espoir. Sans issue. Privée de cela dès sa plus tendre enfance, elle ne put jamais développer des émotions familières comme la joie, le bonheur, l’empathie et la compassion.
Comme un rappel de sa tragique destinée, la mort frappa de nouveau, lui emportant sa mère, alors qu’elle avait tout juste dix ans. Son père, quant à lui, était déjà mort un an auparavant. Devenu fou à l’aube de sa vingt neuvième année, celui-ci avait préféré conjurer le sort à sa manière, en s’ôtant lui-même la vie plutôt que de laisser cette malédiction triompher sur lui. Une bien maigre victoire.
Devenue orpheline, Elia fut placée dans un nouveau foyer où elle put connaître une vie à peu près normale. Mais malgré l’amour et l’affection de ses parents adoptifs, Elia ne put jamais véritablement devenir “ une enfant comme les autres “. Les rires et les gestes d’affection de son entourage lui paraissaient aussi dénués de sens qu’une langue étrangère.
Ses premières années furent difficiles, car son comportement froid et glaçant avait fait d’elle le bouc émissaire du village. Tous les enfants la fuyaient, lui jetant des pierres en la traitant de “ démon “. Pour ne rien arranger, son apparence même était de nature à empêcher tout rapprochement : ses longs cheveux noirs évoquaient le sombre plumage obsidien du corbeau. Sa peau, aussi blanche que de la porcelaine, lui donnait l’allure d’un cadavre ambulant. Ses yeux bleus et profonds, dénués de toute émotion, avaient le don de perturber celui qui les contemplait, même les adultes.
A force d’observation elle parvint cependant à déchiffrer tous les mystères du langage humain. Elle découvrit à sa plus grande surprise qu’un sourire, un rire ou un geste, placé au bon moment pouvait lui donner une sorte d’emprise sur les autres, changeant leur regard et leur comportement. Elle pouvait aussi bien susciter la sympathie que la colère, la joie comme la peine, l’amitié comme la rancoeur. C’était pour elle un pouvoir extraordinaire. Désormais, elle n’était plus la jeune fille que tous les enfants fuyaient. Elle était devenue comme les autres. Du moins, en apparence.
Durant sa quinzième année, Elia se tourna vers la magie et participa au rituel de la Révélation. Comme ses aïeux avant elle, elle avait pour dessein de trouver le moyen d’échapper à son sort. Quelle ne fut pas sa surprise - et sa consternation - en découvrant que la rune qui s’était ainsi révélée à elle était la rune nécrotique. Que pouvait-elle bien faire d’une magie pouvant relever les morts alors qu’elle même souhaitait plus que tout au monde s’extirper de ce chemin qui la menait droit dans les bras osseux de la grande faucheuse ?
Mais avec le temps, elle finit par découvrir dans cette magie nouvelle une échappatoire inespérée. Et si ses ancêtres avaient eu tort ? S’ils s’étaient fourvoyés dans le moyen de vaincre la mort ? Après tout, un cadavre qui s’anime ne redevient-il pas quelque part “ vivant “? N’est-il pas capable de bouger ? De se mouvoir ? Certes, sa conscience n’est plus. Mais s’il existait le moyen de conserver cette conscience intacte ? De la placer dans le corps d’un mort pour l’éternité ? La malédiction pourrait alors tout aussi bien s’accomplir et pourtant elle serait encore là. Elle serait toujours consciente bien que morte.
Cette idée s’empara d’elle avec une telle fureur qu’elle en devint une obsession. Comme frappée par la fièvre, elle qui jusque- là n’était que froideur et aphatie, se découvrit un esprit bouillonnant proche du délire. Elle passait ses années suivantes à expérimenter son ultime projet sur des cobayes. D'abord des animaux morts, qu’elle tuait elle-même ou qu’elle trouvait lors de ses balades en forêt. Puis sur les humains. Ses premiers sujets furent des condamnés à mort dont elle rachetait les cadavres aux bourreaux. Lorsqu’il n’y en avait pas assez ou que ses moyens financiers ne lui permettaient plus de les obtenir ainsi, elle n’hésitait pas à aller profaner les tombes des cimetières.
Elle tentait ainsi diverses expériences sur des corps de tout type : fraîchement morts, morts depuis quelques heures, depuis quelques semaines voire plusieurs mois. Mais malgré ses dons extraordinaires, elle ne parvint jamais à aller au-delà d’un cadavre ayant une forme d’intelligence proche d’un insecte ou d’une poule. Elle était encore loin, très loin, trop loin, de l’intelligence parfaite et éclairée d’un être humain. Et le temps commençait à lui manquer cruellement.
Pour augmenter ses chances de parvenir à un résultat, Elia prit une décision radicale : dormir le moins possible. Car chaque heure de sommeil était une heure de perdue. Et chaque heure perdue était un pas de plus vers la mort. Devenue accro aux stimulants en tout genre, Elia finit par en développer une insomnie profonde, ne dormant plus qu’une poignée d’heures par jour. Pour tenir malgré la fatigue, Elia emporte toujours avec elle une petite flasque d’argent contenant une concoction capable de la maintenir éveillée dont elle s’abreuve régulièrement.
Aujourd’hui, âgée de 26 printemps, Elia commence à se décourager et à sombrer dans la mélancolie. Il y a peu, un nouvel échec particulièrement cruel a su ébranler toute sa confiance en elle, comme les fondations mal conçues d’une maison menaçant à tout instant de faire s’écrouler l’édifice tout entier.
Une nuit plus agitée que les autres, l’esprit embrouillé par le vin, elle décida que ce soir son nouveau cobaye serait elle-même. Tant pis si elle devait échouer, après tout il ne lui restait que quelques années à vivre, alors pourquoi ne pas tenter le tout pour le tout ? Après un long rituel, elle se lança sur elle-même un sort qu’elle avait conçu et mis au point depuis des mois mais qui n’avait jamais donné de résultats concrets. Tout était devenu noir. Ses souvenirs s’envolèrent. A son réveil, elle était allongée sur le sol glacé de son laboratoire, une étrange sensation à la main gauche. Ou plutôt, une absence de sensation. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle contempla sa main gauche et découvrit avec stupeur que celle-ci était devenue cadavérique. La peau séchée et parcheminée laissait entrevoir la courbure de ses os.
Prise d’un espoir et d’un bonheur jusque là encore jamais ressenties, elle se releva d’un bond et tenta de bouger ses doigts. Mais l’espérance laissa bien vite sa place au désespoir. Sa main était morte, incapable d’obeir à ses commandements ni à sa volonté. En plus d’échouer, elle était devenue manchot, ce qui ne ferait que rendre d’autant plus difficile ses futurs expériences.
Depuis cet accident tragique, elle porte en permanence un gant de cuir noir pour dissimuler aux autres l’état de sa main. Si on la questionne à ce sujet, elle répond souvent qu’elle s’est brûlée par accident et qu’elle ne souhaite pas infliger aux autres la laideur de sa main calcinée.